Définition
Le saturnisme est l'intoxication due au plomb.
- Elle est en recrudescence en France en raison de l'insalubrité dans les milieux sociaux défavorisés, et en particulier chez les immigrés logés dans des locaux vétustes ou les squats.
- Le grand responsable actuellement : les sels de plomb qui imprègnent les vieilles peintures.
- Actuellement en France, on compte plus de 85.000 enfants touchés par le saturnisme.
D'où vient le plomb ?
Le plomb produit ses effets néfastes par ingestion. Il se trouve dans de nombreux éléments susceptibles d'être ingérés. Cette intoxication est chronique et involontaire.
Cette intoxication est possible à des degrés divers dans certaines professions à risque :
- Les métiers liés à l'extraction et la métallurgie du plomb, mais aussi du zinc, ces deux minerais étant généralement associés.
- Les personnes qui font de la récupération de vieux métaux
- Les métiers effectuant la fonte, le ciselage et l'usinage de bronze
- Le personnel employé dans la pose et la dépose de canalisations de plomb
- Le personnel effectuant l'étamage de radiateurs automobiles
- Les personnes effectuant le découpage au chalumeau de vieilles ferrailles peintes contenant du plomb.
- Tous les métiers effectuant le décapage thermique, par grattage et par ponçage de vieilles peintures
- Les soudeurs professionnels
- Les imprimeurs utilisant la linotypie et la typographie
- Les fabriquants de batteries.
Autres circonstances pouvant provoquer une intoxication au plomb, à condition d'être très régulière :
- l'isolation contre le bruit et les vibrations
- la fabrication de protections contre les radiations ionisantes
- la fabrication et l'utilisation de munitions
- la production de verre et de cristal
- l'utilisation d'émaux au plomb (céramiques, médailles)
- la production de certaines matières plastiques
- la production et l'utilisation de lubrifiants contenant des sels organiques de plomb
- la production de carburants au plomb
Les métiers les plus touchés sont :
- Les employés des mines de plomb.
- Les soudeurs, émailleurs et étameurs.
- Les peintres (décapage des anciennes peintures au plomb).
- Les garagistes (par la calamine).
Les intoxications accidentelles
Le plomb se trouve potentiellement dans l'eau, dans l'air, dans l'alimentation et dans certaines peintures.
- L'eau du robinet peut contenir des quantités importantes de plomb, à cause des canalisations. Les tuyaux sont maintenant en cuivre, et la suppression de la quasi totalité des canalisations en plomb fait que cette voie d'intoxication est devenue moins fréquente.
- Dans l'alimentation, le plomb peut se concentrer dans les végétaux, les champignons en particulier. Cette concentration est une conséquence des retombées de la pollution atmosphérique (industries, automobiles …) et à la contamination des sols par ces retombées. L'utilisation de l'essence sans plomb a permis de diminuer beaucoup ce type d'intoxication.
- Le plomb dans les peintures est la principale cause d'intoxication. Cela est du au fait que des techniques de cérusage, très utilisées dans les peintures et enduits jusque vers les années 1950, contenaient de l'hydroxycarbonate de plomb. Par conséquent, les immeubles construits avant 1948 et plus particulièrement, avant 1915 sont susceptibles de contenir des peintures au plomb qui ont été recouvertes de peintures de rénovation. L'écaillement de ces peintures surtout en cas d'humidité ou de manque de ventilation, peuvent alors laisser apparaître ces vieilles peintures qui peuvent être sources d'intoxication.
- Le plomb existe également dans l'air ambiant, en raison des émissions industrielles (fonderies, métallurgie, combustion du charbon, incinération des déchets …) et surtout des échappement de voitures non pourvues de pots catalytiques.
Les signes chroniques
Ils sont très variables, car très diversement associés entre eux.
- Les douleurs abdominales du même type que dans l'intoxication aigue (coliques de plomb). Signe assez caractéristique : la pression de l'abdomen au dessus du nombril a tendance à faire diminuer la douleur. Cette douleur n'apparaît que pour des intoxications massives. Ces coliques sont donc rares et tout se résume à des douleurs vagues avec une constipation.
- Le pouls est plutôt lent, parfois très lent.
- Les troubles neurologiques aigus (délire, convulsions) n'existent pratiquement que chez l'enfant. Ils rentrent dans le cadre d'une encéphalopathie ou d'une hypertension intracranienne qui en donne provoque les signes : somnolence, maux de tête, vomissements en jet, vision double, confusion, troubles de l'équilibre, et enfin coma et convulsions. Ces tableaux très graves sont rares. Ils nécessitent un traitement d'urgence et les séquelles sont parfois importantes (retard psycho-moteur, épilepsie, cécité).
- Le plomb est surtout responsable de troubles mentaux plus diffus : fatigue importante, irritabilité, pertes de mémoire, difficulté de concentration, diminution de la libido, troubles du sommeil, troubles de la coordination
- Des paralysies de l'avant bras et des mollets témoins d'une neuropathie .
- Le rein peut être touché ce qui retentit sur les examens biologiques pratiqués. Ils témoignent d'une tubulopathie et d'une glomérulonéphrite . Les signes sont essentiellement des oédèmes de jambes et une hypertension artérielle responsable de maux de tête. Le risque est une insuffisance rénale définitive.
- Le taux d'uricémie est élevé, et responsable de crises de goutte et parfois de calculs rénaux . Ces manifestations sont exceptionnelles de nos jours.
- Une anémie est possible. Elle est due à une difficulté pour l'organisme de fabriquer de l'hémoglobine à cause de l'intoxication au plomb. Cela entraîne de la fatigue, un essoufflement à l'effort et une pâleur.
- Le plomb se dépose dans les tissus et est responsable d'un certain nombre de signes : le plus caractéristique est un liseré bleu sur les gencives. Les autres signes sont visibles à la radio osseuse et au fond d'oeil .
- Le plomb provoque des anomalies des spermatozoïdes . Ces anomalies semblent réversibles à l'arrêt de l'exposition.
- Le plomb enfin est toxique pour le foetus : cela provoque des avortements spontanés chez des femmes exposées au plomb pendant leur grossesse.
La confirmation diagnostique
- La prévention dans le cadre de la médecine du travail et les consultations dans les PMI font que l'on prévient de mieux en mieux cette affection bien que pour les enfants, on observe une recrudescence pour les raisons évoquées plus haut.
- Biologiquement, le soupçon est donné par l'observation à la numération formule sanguine de globules rouges ponctuées , c'est à dire contenant des granulations bleutées.
- La confirmation biologique repose sur un taux sanguin en plomb supérieur à 0,1 m/l.
Le dépistage
Toutes les manifestations du saturnisme sont d'apparition tardive. de plus elles ne sont pas spécifiques. D'où la nécessité d'un dépistage chez les populations à risque.
Le dépistage est donc nécessaire chez :
- Les enfants de 6 mois à 6 ans, habitant ou séjournant dans des appartements anciens (antérieurs à 1950) et mal entretenus. C'est la population le plus à risque. Les migrants, et les personnes de niveau social précaire sont les plus concernés.
- Les enfants de 18 à 36 mois qui ont dans leur entourage proche des cas de saturnisme quelle qu'en soit l'origine (professionnelle ou due à l'environnement).
Les chiffres
C'est la plombémie (dosage du plomb dans le sang) qui détermine le risque et la nécessité d'un traitement. Il y a 6 classes :
- Classe I : Plombémie inférieure à 100 : pas d'intoxication. Répéter le dosage tous les ans, jusqu'à l'âge de 3 ans, si l'enfant appartient à un groupe à risque.
- Classe IIA : Plombémie compris entre 100 et 149. Répéter le dosage tous les ans, jusqu'à l'âge de 6 ans, si l'enfant appartient à un groupe à risque. Une recherche de sources de plomb dans l'habitat est nécessaire.
- Classe IIB : Plombémie comprise entre 150 et 249. Il est impératif de rechercher activement des sources de plomb dans l'environnement de l'enfant. Si deux dosages consécutifs indiquent une plombémie supérieure à 149 µg/l, une enquête environnementale avec des prélèvements, ainsi qu'une décontamination doivent être envisagées. Le dosage doit être répété tous les 6 mois jusqu'à 6 ans. Si la plombémie tombe par deux fois en dessous de 150 µg/l, la période entre 2 dosages peut être ramenée à 1 an.
- Classe III : Plombémie comprise entre 250 et 449. La personne doit être hospitalisée, éventuellement traitée, et les sources de plomb formellement identifiées.
- Classe IV : Plombémie comprise entre 450 et 699. L'hospitalisation est indispensable, et le traitement mis en place dans les 48 heures maximum. L'identification et l'élimination des sources de plomb sont obligatoires.
- Classe V : Plombémie supérieure à 699. L'hospitalisation est obligatoire et le traitement impératif. C'est une véritable urgence. Les sources de plomb doivent être obligatoirement identifiées et éliminées.
Le traitement
Le bilan
C'est le préalable indispensable que le médecin effectuera :
- Interrogatoire de l'entourage et de l'enfant, à la recherche de sources de plomb (habitudes de vie, alimentation, lieu de vie...). le niveau de vie et l'environnement ainsi que la profession sont essentiels à connaître.
- Une prise de sang, dont une plombémie.
- Eventuellement des radios de l'abdomen et une radio osseuse.
Traitement de l'intoxication aiguë
- Si la radio de l'abdomen montre du plomb dans l'estomac, il faut faire un lavage gastrique. Si c'est dans l'intestin, on provoque une diarrhée pour accélérer le transit et limiter l'absorption intestinale.
- Quand c'est nécessaire, on donne un traitement chélateur qui extrait le plomb et l'élimine dans les urines. On utilise surtout l'acide dimercaptosuccinique en 3 prises, pendant 5 jours. Sinon on utilise l'EDTA calcicodisodique en perfusion.
- Si les signes montrent une imprégnation importante, on associe 2 chelateurs : EDTA calcicodisodique et acide dimercaptosuccinique. On contrôle l'effet du traitement 2 semaines après. C'est le dosage de la plombémie et du plomb dans les urines qui décide de la poursuite ou non du traitement.
Ce traitement se fait en milieu hospitalier, avec prises de sang quotidiennes pour vérifier l'état de la fonction rénale
Les suites
- Elles sont bonnes si le saturnisme est diagnostiqué en phase aiguë et si la plombémie n'est pas trop élevée (Classe III par exemple).
- Elles sont moins bonnes dans les formes chroniques. Le pronostic est lié à l'importance des dépôts de plomb dans le cerveau et dans le rein.
La prévention
Elle repose sur :
la surveillance stricte par la médecine du travail dans toutes les professions exposées.
- La suppression de toutes les canalisations en plomb dans les immeubles.
- La vérification par le Syndic de l'immeuble de toutes les canalisations dans les immeubles construits avant 1915 et les prélèvements de peinture écaillée.
- Le respect de la déclaration obligatoire du saturnisme.
- Le dépistage chez les enfants vivant en milieu défavorisé.
- Au niveau collectif, l'utilisation d'essence sans plomb.
La législation
(Source : Ministère de la Santé)
- Elle prône la déclaration obligatoire du saturnisme
- D'après l'article L. 1334.1 du code de la santé publique," tout médecin qui dépiste un cas de saturnisme chez une personne mineure doit, après information de la personne exerçant l'autorité parentale, le porter à la connaissance, sous pli confidentiel, du médecin inspecteur de santé publique de la DDASS du département."
- Un dosage de la plombémie est alors fait. La valeur de la plombémie à partir de laquelle le médecin doit effectuer ce signalement a été fixée à 100 µg/l.
- Dans l'attente de l'arrêté définissant la fiche de déclaration obligatoire du saturnisme infantile, tout médecin peut utiliser la fiche du système de surveillance du saturnisme infantile d'Ile de France , qui a reçu l'autorisation de la CNIL .
- Ce signalement permet à la DDASS de réaliser une enquête environnementale dans les lieux de vie de l'enfant, afin de rechercher les sources de contamination. En cas de repérage de peintures dégradées contenant du plomb, le préfet impose au propriétaire du logement concerné la réalisation de travaux, afin de supprimer cette accessibilité au plomb et éviter ainsi que l'enfant continue à s'intoxiquer.