Maladie neurologique
Les mécanismes de la dystonie sont encore mal élucidés malgré une recherche intensive et de nombreuses collaborations entre les équipes nationales et internationales. La dystonie est liée à un dysfonctionnement des circuits moteurs, en particulier le circuit liant les structures profondes (ganglions de la base) et le cortex, et le circuit connectant le
cervelet et le cortex, via le thalamus (circuit cerebello-cortical). Ont été mis en évidence les anomalies très fines en imagerie I.R.M. de recherche, avec des anomalies structurelles (modification de volumes ou des faisceaux de connexions) et fonctionnelles (modifications des réponses du cortex).
Le signal neuronal n'est pas correctement organisé (perte de sélectivité temporelle et spatiale), canalisé, modulé ou inhibé, ce qui entraîne une perte du contrôle du
mouvement et des mouvements involontaires qui parasite le mouvement normal. Cela se traduit par des postures ou des mouvements anormaux et une diffusion des contractions à des groupes musculaires qui ne devrait pas être mis en jeu lors du mouvement précis programmé par le sujet (par exemple pour écrire). Au niveau du signal cellulaire, il y a une modification et une certaine désorganisation du codage des informations. Plusieurs neurotransmetteurs sont mis en jeu en particulier le GABA, l'acétylcholine, et la
dopamine.
La dystonie est une maladie pour laquelle il n'existe pas de modèle animal reproduisant les symptômes, toutefois, des modèles animaux basés sur la génétique ou sur des
manipulations chimiques permettent d'approcher les mécanismes de la maladie. Les formes de dystonies qui ont été les plus étudiées sont les formes génétiques et celles qui sont localisées à une partie du corps (crampe des écrivains, torticolis).
Différentes formes
Chaque dystonie est différente, mais un ensemble de critères permet de les classer très schématiquement en deux grands types : les formes primaires (sans lésions sous-jacentes) et les secondaires (liées à une cause sous-jacente). Nous détaillerons à part les causes génétiques qui peuvent entrer dans un groupe ou l'autre.
- FORMES PRIMAIRES OU DITES "FOCALES"
Ce sont les formes les plus fréquentes. Elles sont localisées à un segment du corps (paupières, face, cou, membres supérieurs, etc.) spécifique. Plusieurs segments adjacents peuvent être touchés par la dystonie : on parle alors de dystonie segmentaire.
• Torticolis spasmodique ou dystonie cervicale
Le torticolis spasmodique est localisé au niveau des
muscles du cou et peut diffuser aux épaules. Cette anomalie peut être intermittente ou tonique (plus permanente). Les spasmes musculaires entrainent une rotation (torticolis) ou font pencher le cou sur le côté (latérocolis), vers l'avant (antécolis) ou vers l'arrière (rétrocolis). Ils vont des secousses musculaires qui s'ajoutent à la contracture (dystonie tremblante ou myoclonique) et la dystonie peut être mobile (mouvements anormaux) ou plus fixée (anomalie de posture).
• Blépharospasme
Le blépharospasme représente la deuxième forme la plus fréquente des dystonies focales chez l'adulte. Cette dystonie provoque des spasmes au niveau des muscles des paupières, entraînant la fermeture répétitive et incontrôlable de celles-ci. Ces contractions peuvent affecter les muscles autour des yeux : muscles orbiculaires et ceux commandant les sourcils. D'autres muscles du visage peuvent être également impliqués (ensemble de la face ou syndrome de Meige). Ces spasmes sont intenses et durent de quelques secondes à plusieurs minutes. Sans traitement, la personne peut être obligée de soulever ses paupières avec ses doigts pour voir. Le sujet est gêné pour lire, pour traverser la rue, conduire, aller au cinéma. Cela constitue un handicap important dans la vie quotidienne et professionnelle. La vue est préservée. Les ophtalmologistes peuvent faire le diagnostic mais les patients sont souvent vus par des neurologues.
• Crampe de l'écrivain
La crampe de l'écrivain est une dystonie de fonction de la
main. Cette dernière accomplit sans difficultés les gestes du quotidien mais dès qu'il s'agit d'écrire, les muscles de la main et de l'avant-bras se contractent et l'écriture est altérée (graphisme, vitesse, lisibilité). Dans les cas extrêmes, la main peut être si contractée autour d'un crayon que l'écriture devient impossible. Les premiers symptômes se déclarent entre 20 et 40 ans mais l'âge de début est variable. Le fait d'être gaucher n'entraine pas de risque supplémentaire. En revanche, le fait d'écrire de manière intense et prolongée (dose et durée de l'acte d'écriture) est un risque de crampe de l'écrivain.
• Dystonie de fonction : la crampe du musicien ou du sportif
Il s'agit d'une dystonie portant sur une fonction très précise, nécessitant un geste fin et répété. Ces dystonies de fonction touchent principalement la main et le
poignet. Les médecins observent également des localisations faciales avec perturbation de la
motricité et de la commande au niveau des lèvres, de la langue, ou des joues chez les instrumentistes à vent. Cette altération d'une fonction peut se retrouver chez les sportifs notamment les golfeurs.
• Dystonie oro-mandibulaire
Cette dystonie se caractérise par des spasmes involontaires des muscles de la mâchoire de la
langue et de la face. Elle peut survenir de façon isolée et prendre le masque d'un mauvais fonctionnement de l'articulation temporo-mandibulaire. Cette dystonie prend plusieurs formes : en fermeture (serrage involontaire des dents,..), en
ouverture (la
bouche est ouverte au repos et se ferme difficilement au moment de la mastication) ou mixte.
•
Dysphonie spasmodique ou dystonie laryngée
Il s'agit d'une altération de la
voix due à des contractions involontaires des
cordes vocales. Les muscles du
larynx se rapprochent trop, la voix s'éraille et devient rauque. Dans d'autres cas, les cordes vocales sont bien trop éloignées et la personne ne peut que murmurer, voire être complètement aphone. Cette dystonie touche en majorité les femmes de plus de 40 ans.
- FORMES SECONDAIRES
Les symptômes sont identiques aux formes primaires avec des contractions musculaires involontaires mais contrairement à celles-ci, la cause est clairement identifiée. Comme son nom l'indique, la forme secondaire peut être consécutive à une pathologie, à un accident, à une lésion cérébrale (AVC, tumeur,…) ou encore à une prise médicamenteuse, notamment des
neuroleptiques.
- FORMES GENETIQUES
Elles apparaissent le plus souvent dans l'enfance ou à l'adolescence. Ce sont des formes généralisées le plus souvent qui ont tendance à
toucher tous les muscles, mais certaines formes peuvent être moins étendues. Ces formes génétiques sont liées à des mutations, et à ce jour plus d'une vingtaine de formes ont été identifiées. Elles sont très rares. Le mode de transmission peut être dominant (théoriquement 50% des sujets de la descendance atteints), récessif (la maladie n'apparaît que si les deux parents transmettent le gène modifié, alors qu'eux-mêmes n'expriment pas les symptômes), ou lié à l'X. En pratique, la pénétrance de la maladie est faible : seul un petit nombre des personnes porteuses du gène altéré vont exprimer des symptômes alors que d'autres vont rester indemnes (porteurs asymptômatiques) tout au long de leur vie sans que les mécanismes en soient connus à ce jour.
Dans les formes débutantes dans l'enfance, une recherche génétique peut aider au diagnostic précoce des dystonies généralisées. La connaissance du gène en cause ne change pas, à ce jour, la prise en charge sauf dans certains cas, notamment le gène DYT1, et le gène DYT11 pour la
chirurgie (meilleur résultat) ou les
gènes de la dystonie sensible à la L-Dopa pour le traitement médicamenteux (avec une amélioration sous L-Dopa, qui est durable sur la vie entière). Les généticiens travaillent à l'identification des gènes impliqués dans la dystonie. Pour faire progresser la recherche, les scientifiques doivent être en mesure de comparer l'ADN de plusieurs membres d'une même famille, une prise de
sang suffit pour procéder aux analyses. A ce jour, la recherche dans ce domaine se fait au niveau national et international avec de larges consortiums. La recherche porte également sur les mécanismes de la maladie (en imagerie et en exploration neurophysiologiques). La meilleure connaissance de ce mécanisme permet de conceptualiser des approches thérapeutiques nouvelles, et d'améliorer la prise en charge par les thérapeutiques existantes (stimulation cérébrale profonde, médicaments).