Définition
- C'est une psychose, c'est à dire une déstructuration de la personnalité. Caractérisée par une désintégration (dissociation) de la personnalité avec une perte de contact vital avec la réalité. Elle fait partie des psychoses graves et chroniques.
- La richesse des manifestations est telle que les psychiatres disent souvent qu'il n'y a pas une schizophrénie mais des schizophrénies.
- La définition de cette maladie, imaginée en 1911 par Eugène Bleüler vient du grec skizein (couper) et phrên (esprit) : littéralement esprit coupé en deux, ce qu'on exprime également par le terme de "dissociation".
- Il est intéressant de remarquer que cette maladie est culturellement ressentie différemment selon qu'on est en France, au Japon ou en Angleterre, les anglo-saxons considérant par exemple que la notion de "dissociation" n'existe pas.
- Cette maladie touche environ 400.000 personnes en France.
Des modes d'expression très divers
- La dépersonnalisation. Impression d'appartenir à quelqu'un d'autre : contemplation des mains et du visage, avec de longue station devant la glace (signe du miroir). Doute sur la cohésion de la limite corporelle : impression de changement de forme, de volume. Dans les cas extrêmes, sensation d'anéantissement et de décomposition.
- Les troubles du langage : mutisme ou langage complètement hermétique (schizophasie).
- Les troubles de la pensée : raisonnement et discours incohérent.
- Les troubles de l'affectivité : alternance de l'amour et de la haine, désir de séduire et d'agresser.
- Les troubles de la sexualité : soit auto-érotique et masturbatoire, soit des satisfactions génitales brutales et totalement dépourvues d'affect. Les désirs normalement réprimés (homosexualité, inceste, érotisme oral et anal) sont souvent exprimés et pratiqués sans aucune retenue.
- Les troubles du comportement : attitudes agressives, parfois délictueuses.
XSchizophrénie en vidéo
Schizophrénie: définition (1/3) Le docteur Guy Gozlan, psychiatre à Paris, décrit la schizophrénie, maladie qui touche avant tout les jeunes entre 15 et 25 ans. L'apparition de la schizophrénie se fait d'abord par des signes non spécifiques touchant l'anxiété, la dépression, les modifications de comportement, la rupture de la capacité scolaire. ce n'est que plus tard que les signes positifs tels que le délire et les hallucinations apparaissent. | 3 vidéos |
Les diiférents types de symptômes
En fait on peut essayer de regrouper ces signes en trois catégories : positifs, négatifs, cognitifs.
Les symptômes dits "positifs"
Ce sont ces signes qui font que les schizophrènes sont ressentis comme "fous".
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Les hallucinations qui amènent la personne à voir des images ou des messages visuels auditifs ou olfactifs souvent effrayants. Il peut s'agir aussi d'ordres, de messages ou de véritables scènes construites.
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Les délires. Ils sont essentiellement liés à un sentiment de persécution : la personne a l'impression qu'on la surveille ou qu'on l'observe.
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La "paranoïa". Cette suspicion extrême est de la même essence que les délires, comme l'existence d'un complot par exemple.
Les signes "négatifs"
On entend par "négatif" le fait que les schizophrènes semblent un peu indolents. Ces symptômes correspondent à la souffrance que ressent la personne et donnent l'impression d'une sorte de dépression.
- L'apathie . La personne a beaucoup de mal à effectuer les tâches les plus simples.
- L'isolement social : rien ne semble l'intéresser, la personne se recroqueville sur elle-même, perdant ainsi le contact avec sa famille ou ses amis.
- L'inaffectivité. Elle renforce l'isolement car la personne semble finalement faire peu de cas des autres. Il s'agit d'une sorte de détachement émotionnel.
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Les signes cognitifs
On entend par "cognitif" tout ce qui a trait au savoir, à la connaissance et à l'expression de ceux-ci. D'une manière générale la personne semble confuse.
- La pensée de la personne est confuse, troublée et désorganisée.
- Son discours et sa réflexion sont pauvres. S'exprimer est difficile et pénible pour elle.
Les différents types de schizophrénies
On pourrait tenter de résumer de façon très lapidaire, que le patient souffrant de schizophrènie est une sorte de dépressif confus et délirant. Il s'agit en fait d'une caricature et d'un raccourci, car cette maladie revêt de très nombreuses formes selon la prédominance de tel ou tel symptôme. Ainsi on peut individualiser quelques tableaux cliniques :
- La schizophrénie simple : bizarrerie, incapacité à se plier aux règles de la société, comportement rendant difficile la vie en société. Toutefois ce type de schizophrénie est parfaitement compatible avec une vie quasi normale ou encadrée par un entourage bienveillant.
- La schizophrénie paranoïde : plus difficile à gérer car le sentiment de persécution, de "parano" permanente est le trait dominant, souvent difficile à supporter pour l'entourage.
- La schizophrénie hébéphrénique. Là, on se trouve devant une personne plutôt apathique, en retrait, confuse et incohérente. La prise en charge est alors beaucoup plus difficile.
- La schizophrénie catatonique : la personne est souvent agitée par période, parfois dangereuse.
Causes
Il n'y a pas de cause connue, mais il existe des "facteurs de vulnérabilité" qui sont biologiques, génétiques, psychologiques, environnementaux et sociaux.
Psychologiques
- La schizophrénie est rarement le passage à la maladie de la personnalité schizoïde .
- Il s'agit en fait d'une incapacité qu'a la personne de gérer sa liberté, de façon momentanée ou plus durable selon les cas. La conséquence est une dépendance plus ou moins grande de cette personne à son entourage. Lorsque les signes sont peu importants la personne peut se prendre en charge elle-même : grâce au traitement, de nombreux patients peuvent travailler et gagner leur vie. Lorsque les signes sont plus importants ou surviennent par longues périodes, c'est l'entourage et les instituts spécialisés qui doivent gérer la situation. Cette situation est douloureuse pour la personne mais également pour la famille chez qui elle constitue un véritable séisme et la nécessité d'une réorganisation complète de l'existence.
- La difficulté majeure de cette maladie, c'est que rien ne peut laisser présager du moment et de la durée au cours desquels la personne sera en mesure de gérer ou non cette liberté.
Génétiques
- Il ne s'agit pas d'une maladie héréditaire, mais des études généalogiques ont montré l'existence de familles de schizophrènes. Ainsi, le risque de voir apparaître une schizophrénie est plus important s'il y a déjà eu un schizophrène dans la famille.
- Si un enfant a un parent schizophrène, le risque qu'il le soit à son tour est de 10%. Alors que ce risque est de 1% dans la population générale.
Biologiques
- L'origine est encore inconnue. Des déséquilibres de certains neuromédiateurs (substances autorisant ou non le passage d'une information d'une zone du cerveau à une autre) seraient à l'origine de ces troubles.
- On met en cause des troubles du système dopaminergique, sérotoninergique ou du glutamate. Ces éléments expliquent l'efficacité des traitements modernes.
Les facteurs psychosociaux
- Le risque de développer une schizophrénie serait plus important lorsque la personne présente une fragilité neuropsychologique d'origine génétique : par exemple présence dans la famille de personnes ayant des difficultés de concentration ou des difficultés de mémorisation.
- De la même façon, l'isolement social, la précarité financière peuvent favoriser l'apparition de la maladie.
- La pression sociale de l'entourage ou des événements stressants peuvent favoriser le déclenchement de la maladie et surtout les rechutes.
- La prise de cannabis est responsable chez certaines personnes prédisposées du déclenchement d'une schizophrénie. Ce phénomène est surtout sensible à l'adolescence.
L'environnement
- La prématurité ou les accouchements difficiles pourraient être à l'origine.
- Les contaminations virales, en particulier par le virus de la grippe au cours du deuxième trimestre de la grossesse ont été évoquées. En fait rien de bien concluant si ce n'est la particularité de voir plus de schizophrènes parmi ceux qui sont nés en hiver.
- La malnutrition.
- La relation parent-enfant a été évoquée, mais aucun lien de causalité entre la maladie et des difficultés relationnelles parent-enfant n'a pu véritablement être mis en évidence.
Les signes d'alerte
La maladie débute généralement vers 17 ou 18 ans, en cette période précise de la vie ou l'enfant peut gérer sa liberté dans toutes ses formes.
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Le début ressemble à une sorte de crise d'adolescence très marquée : refus, oppositions diverses, contestation de l'autorité parentale, bref rien que de très normal. Mais se surajoute à cette crise des signes de délire qui attirent l'attention s'ils sont flagrants, ou qui passent inaperçus s'ils sont mineurs. On y trouve alors des explications pour se rassurer : "il est original", "il a sa personnalité", etc. Ces délires se retrouvent dans 30% des cas environ.
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Dans les 70% des cas restants, le début est très insidieux avec une
adolescence perturbée, un repli sur soi, un désintérêt croissant pour tout. Les signes sont parfois très peu marqués, ce qui explique que le diagnostic soit porté tardivement.
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Autre manifestation importante : l'angoisse. Le schizophrène a des manies répétitives qui provoquent souvent la réaction de l'entourage. Il s'ensuit des crises d'angoisse qui peu à peu deviennent permanentes et qui font que la personne ne peut plus sortir de son état d'anxiété.
La consultation d'un psychiatre, ou d'un pédopsychiatre s'impose dès les signes d'alerte. La difficulté, c'est qu'en moyenne, la maladie met souvent au moins 5 ans à être dépistée, parfois plus.
Votre attitude
Elle consiste à consulter avec la personne dès les signes d'alerte. Cela consiste à alerter le médecin traitant, psychiatre ou au besoin le service de garde devant toute conduite évoquant un délire ou des hallucinations .
En cas de crise aiguë :
- Le malade sera presque toujours hospitalisé après que le médecin ait pratiqué sur place l'injection d'un neuroleptique à visée sédative ou un tranquillisant.
- Dans les cas mineurs , le traitement associe la prise de neuroleptiques à une psychothérapie .
Le traitement
Historique des traitements
L'histoire des traitements est importante à connaître car elle explique beaucoup des éléments de l'image du schizophrène et de la stigmatisation qu'on en fait :
- Avant les médicaments, seuls la contrainte, la sédation, les électrochocs, les bains glacés, les cures de sakel ou les crises hypoglycémiques provoquées par insulinothérapie étaient proposées. Ces techniques n'étaient que la tentative de trouver une solution radicale pour faire rentrer le schizophrène dans le rang de la société.
- Vers les années 40 la lobotomie (ablation de la partie frontale du cerveau, siège des émotions) a été utilisée. Le schizophrène lobotomisé devenait alors totalement apathique. Le film "Vol au dessus d'un nid de coucou" en est l'illustration emblématique.
- Les médicaments ont fait alors leur apparition dans les années 50 : les neuroleptiques classiques, encore employés de nos jours dans certaines indications précises ont permis de trouver une solution moins radicale au mal être des personnes schizophrènes.
- On a utilisé également les antipsychotiques comme la Thorazine et le Largactyl qui sont des phénothiazines. C'est ce qu'on a appelé la "camisole chimique".
- Vers les années 60, l'Haldol, le Proloxin, le Modecate et le Moditen, qu'on appelle des "antipsychotiques conventionnels" ont permis d'améliorer les troubles du système dopaminergique, en diminuant notamment les signes positifs. Ces médicaments ont permis d'améliorer considérablement le sort des patients, malgré des effets secondaires non négligeables (tremblements, bouche sèche, rigidité musculaire...) et une inefficacité sur les signes négatifs.
- Puis vers 1990, sont apparus les "antipsychotiques atypiques" comme la clozapine qui agissent autant sur les signes positifs (ils bloquent le système dopaminergique) que sur les signes négatifs (ils agissent sur le système sérotoninergique). Ces médicaments ont permis une atténuation des symptômes. Toutefois les effets secondaires n'étaient pas négligeables : prise de poids, hébétude, rigidité, tremblements, troubles du rythme cardiaque, troubles sexuels...
- Enfin, dès les années 2000, la voie des antipsychotiques atypiques a donné naissance aux agonistes partiels : l'ariprazole (Abilify*). Ils rééquilibrent les signes positifs et négatifs exactement comme un thermostat régule la température d'une maison en fonction des variations de température intérieures et extérieures. C'est le premier stabilisateur du système dopaminergique. D'où son action sur les trois types de symptômes.
Les traitements actuels
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La prise en charge thérapeutique est adaptée à chaque patient. Différents professionnels de santé peuvent être impliqués, dont bien sûr le
médecin traitant et le psychiatre, mais aussi, un psychothérapeute, une infirmière, un ergohérapeute, une assisance sociale... pour tâcher d'assurer la meilleure
autonomie possible du patient au niveau social.
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Les
neuroleptiques ou antipsychotiques Ils sont efficaces sur les signes positifs. Mais ils ont les effets secondaires de ce type de médicaments, les effets "extrapyramidaux" (tremblements, sécheresse de la bouche, rigidité...), tous signes qui nécessitent la prise d'autres médicaments pour contrebalancer les effets secondaires lorsque ceux-ci sont gênants. Les neuroleptiques sont inefficaces sur la désorganisation de la pensée et sur les signes négatifs (angoisse, dépression).
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Les antipsychotiques atypiques (ou de deuxième génération) sont indiqués en première intention noamment chez l'adolescent. Ce sont des médicaments : clozapine, la rispéridone, l'olanzapine, l'amisulpride, l'ariprazole. Ils sont assez efficaces sur les signes positifs mais surtout agissent bien sur les signes négatifs, ce qui apporte un soulagement important tant à la personne qu'à l'entourage. Ils ont malheureusement des effets neurologiques indésirables, ainsi que des effets secondaires comme prise de
poids et troubles sexuels.
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La venue de l'aripiprazole (Abilify*), agoniste partiel qui fait partie de la nouvelle génération d'antipsychotiques atypiques a amélioré le traitement. Ce
médicament a une action régulatrice, tant sur les signes positifs que sur les signes négatifs. Ils jouent en quelque sorte un rôle de "thermostat de l'humeur". Ce médicament atténue les signes positifs, négatifs et cognitifs. Il se prend à raison d'une fois par jour, en comprimés. Les effets secondaires, comme la rigidité, et
tremblements sont très peu importants, ne provoquent pas d'augmentation de poids, ont peu d'effets neurologiques et ce produit est peu sédatif. On a pu noter toutefois des nausées, des
vomissements et des impatiences dans les jambes durant les deux premières semaines de traitement.
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Généralement, un seul traitement est indiqué. Une association d'antipsychotiques peut être instaurée après échec d'une monothérapie. La voie injectable (produit à longue durée d'action) peut être préscrite pour prévenir des rechutes chez un patient prenant mal son traitement habituel.
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La sismothérapie ou électroconvulsothérapie (ou "électrochocs") peut être utilisée en cas d'intolérance aux médicaments ou de contre-indication. Il arrive que ce traitement soit associé à la pris de médicament en cas de persistance des symptômes psychotiques sévères.
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La
psychothérapie a une action très nette sur les signes négatifs. Cela peut être une psychothérapie cognitive et/ou comportementale.
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Médecin généraliste et psychiatre doivent aussi s'entretenir avec la famille pour assurer une bonne prise en charge du patient ou pour soutenir les proches (une pyschothérapie peut être proposée).
Évolution
Les phases évolutives
Il n'y a pas d'évolution typique, chaque personne pouvant évoluer d'une façon ou d'une autre qui lui est propre. Toutefois, on estime que cette maladie chronique évolue en trois phases :
- Les prodromes, c'est à dire les petits signes avant-coureurs : modification de l'humeur et du comportement. La personne se met en retrait, semble perpétuellement fatiguée, et a des comportements ou des attitudes un peu bizarres ou étranges.
- La phase active : Tous les signes (positifs, négatifs ou cognitifs) se mettent en place et réalisent l'un des différents tableaux vus précédemment. C'est à ce moment que se passe généralement la prise en charge.
- La phase résiduelle survient généralement à la suite du traitement. On est au stade de chronicité, certains signes restant en avant, d'autres régressant. Mais d'une manière générale les rechutes sont possibles.
Les complications
L'évolution est grevée de complications diverses :
- Maladie intercurrente liée au tabagisme à l'alcoolisme , à la consommation de cannabis, et aux problèmes d'hygiène .
- Évolution chronique aboutissant à une désocialisation majeure (25% des cas).
- Évolution favorable avec insertion sociale satisfaisante (25% des cas).
- Évolution moyenne avec des rechutes (50% des cas).
- Attention aussi au risque de suicide, plus élevé chez ces patients.
Le pronostic
Il est très variable et dépend de la coopération entre l'entourage, la personne, les médecins (généraliste, psychiatre et hôpital) et le responsable social.
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Le traitement médicamenteux est généralement maintenu sur une assez longue période. Il arrive que les médicaments soient arrêtés (minimum au bout de deux ans), avec un arrêt progressif et cela nécessite un suivi régulier.
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Dans 5% à 25 % des cas, le personne peut travailler et mener une vie quasi normale.
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Dans les autres cas, tout dépend de l'importance des signes et de la réponse au traitement, la personne pouvant vivre chez elle avec l'aide plus ou moins appuyée de l'entourage, ou en institution pour les personnes fortement handicapées.
La question de la criminalité
- Schizophrène est par trop synonyme de criminalité, en raison de nombreux films ou événements ou des schizophrènes sont en scène.
- En fait il n'y a pas plus de criminels chez les schizophrènes que dans la population générale. Les schizophrènes en particulier ne sont pas spécialement plus des serial killers que le reste de la population.
- En revanche, les descriptions des crimes perpétrés par les personnes schizophrènes font état de crimes terribles, avec une certaine théâtralité qui nourrissent les faits divers (parricides, mutilations, crimes sanglants).
Sites et adresses
L'UNAFAM (Union Nationale des Amis et Familles de Malades Psychiques) a pour but d'accompagner et d'informer les familles sur les problèmes qu'elles rencontrent lorsque l'un de leur membre est atteint d'une maladie psychique.
Source : Schizophrénies, Guide -Affection longue durée, Haute Autorité de Santé, juin 2007.