La situation
Attention ! tu vas tomber une fois de pl…
Trop tard, ce que vous
aviez prédit est arrivé, ce qui immanquablement vous fait dire « je
t'avais prévenu…. C'est toujours la même chose…. Etc.)
Au début, lorsque l'enfant fait une bêtise, les parents ont tendance à le plaindre, à le consoler, à l'excuser. Mais lorsqu'il met un malin plaisir à refaire cent fois la même erreur, vous n'avez plus la même patience.
Déjà qu'il se fasse mal peut vous inquiéter, vous agaçer ou carrément vous énerver, tant ces horions et ces petites blessures à répétition vous atteignent personnellement. Mais si en plus, ces bêtises s'accompagnent de casses parfois irréparables, la moutarde fait plus que vous monter au
nez : vous y voyez de la provocation, voire de l'inquiétude pour ses performances physiques ou intellectuelles.
D'où la nécessité de vouloir prévenir la catastrophe avant qu'elle survienne. « Attention ! tu vas encore… ». Le risque dans cette phrase est dans le « encore », vous allez voir pourquoi.
Ce qu'il a dans la tête
- L'enfant acquiert peu à peu de l'autonomie . Celle-ci lui permet d'expérimenter le vaste monde, mais aussi de tester ses parents, et surtout d'affirmer sa personnalité , surtout à partir de l'âge de 2 ans, qui est une phase d'opposition très importante pour lui.
- Sans cesse en quête de limites , et confronté à la question de l'autorité et des autorisations qui n découlent, l'enfant n'interprète pas « tu vas tomber » dans le sens où vous le dites, mais dans le sien qui est « je peux tomber ». Idem pour « tu vas casser », signifie pour lui « super ! je peux casser ». Ce raccourci dans sa tête est compréhensible car pour lui cela signifie appréhender la limite au-delà de laquelle les choses sont interdites. Il y a donc à la fois la quête de la limite et celle du pouvoir : en cassant quelque chose à la quelle vous tenez, l'enfant peut mesurer le pouvoir qu'il a sur vous, et il en a la démonstration immédiate : vous vous mettez immédiatement en colère.
L'interprétation du psy
Les parents oscillent entre plusieurs attitudes. Aux deux extrêmes :
- Rester zen en apparence , tout en serrant les dents alors qu'ils sont très inquiets de ce qui peut se passer. L'entourage va les taxer aussitôt d'être un peu laxistes, voire inconscient : « tu ne crois pas que tu ferais mieux de lui dire de ne pas… ? » .
- Jouer les Cassandre : annoncer les catastrophes avant qu'elles arrivent ont un effet immédiat qui peut être utile. Mais il faut mesurer l'importance de ce qu'on annonce. Ainsi : « tu vas te salir », « tu vas abîmer », « tu vas trébucher », sont des admonestations qui limitent les bêtises, mais qui leur donnent un caractère transgressif inutile, voire ayant un effet inverse à celui escompté. Ainsi, pour l'enfant, si se salir est une transgression, il est nécessaire de le faire puisque le but est de rechercher la limite. Donc il va se salir, abîmer, trébucher, etc. Autre élément qui apparaît chez les parents qui couvent leur enfant : le refus ou la peur qu'ils grandissent ou qu'ils s'autonomisent. Et enfin autre raison cachée : les parent en ayant peur que l'enfant ne se fasse mal en faisant ses bêtises projettent sur lui leurs propres peurs et leurs propres angoisses. C'est un peu cela qui peut aboutir à un enfant collant .
Votre attitude
On ne se change pas, surtout lorsqu'on est un adulte : si on a peur pour un oui ou pour un non, il sera très difficile de paraître zen, même au prix d'un ulcère à l'estomac !
En fait, le traitement de la situation est surtout dans la subtilité du langage, le choix des verbes et des pronoms personnels appropriés.
- Le choix du verbe : entre « tu vas te faire mal avec ces ciseaux » ou « tu risques de te faire mal avec ces ciseaux », il y a une différence importante : « tu vas » est prédictif, limite la marge de manoeuvre de l'enfant et l'enferme dans une attitude presque programmée par les parents ; « tu risques de » est beaucoup plus ouvert : il y a un risque, que l'enfant peut surmonter ou non, mais dans ce cas, il est responsabilisé sur l'attitude qu'il peut avoir et sur le fait qu'il maîtrise (ou non) la situation. A lui de décider, à vous d'encadrer cette expérience dont il pourra s'il la réussit sortir grandi et plus expérimenté.
- Le choix du pronom : il est appliqué à d'autres situations plus dangereuses. Entre « tu ne vas pas pourvoir… » et « j'ai peur que tu ne puisse pas… », il y a aussi une différence. « Tu ne vas pas pouvoir » est prédictif et met l'échec sur l'enfant, alors que « j'ai peur que… » signifie que c'est vous qui avez peur, mais que lui peut vous démontrer que cette peur est peut-être excessive. Cela dit, il est parfois des situations où l'urgence de la situation prime sur ces subtilités grammaticales. Et dans ce cas, foncez !