Point de départ
Les techniques chirurgicales du
cancer du sein ont pour but de retirer la tumeur, tout en préservant au maximum l'aspect esthétique. C'est donc une chirurgie délicate qui doit concilier ces deux objectifs. Toutefois, la recherche d'un résultat esthétique ne doit jamais compromettre l'efficacité maximale en ce qui concerne la guérison du cancer.
Prise en charge
- Toute prise en charge d'un cancer du sein se fait au cours de réunion de concertation pluridisciplinaire.
- La décision thérapeutique est complexe, non seulement en raison de ce compromis à trouver entre l'extirpation du cancer et les résultats esthétiques, mais également en raison du type de cancer, de son extension et de la précocité ou non de sa découverte.
- Tout au long de cette prise en charge, la surveillance du cancer est constante, et envisagée par une équipe multidisciplinaire. Cette surveillance englobe non seulement les suites opératoires, mais aussi tout ce qui précède l'intervention. On considère que la surveillance est enclenchée à partir du moment où une suspicion diagnostique existe (découverte d'une boule dans le sein ), ou découverte d'un cancer infraclinique .
- Les protocoles sont dorénavant très précis, et les délais respectés autant que faire se peut.
- Durant toutes ces étapes, la personne est tenue au courant de tous les détails de l'intervention, des conséquences de celle-ci et des traitements complémentaires éventuels. Une confiance et une collaboration active de la personne sont essentielles à la réussite. C'est une véritable équipe, patient-médecin qui se bat contre la maladie.
- La place de la radiothérapie et de la chimiothérapie est définie de façon précise en parallèle de la chirurgie.
Stratégie thérapeutique
(Source INCA 2007)
Tumeurs de petite taille
- Pour les tumeurs de petite taille, n'ayant pas de ganglions (N0) ou très limité (N1) et sans métastases (M0), le traitement habituel est de retirer totalement la tumeur. L'étude du ganglion sentinelle permet de savoir si l'on doit ou non retirer les ganglions de l'aisselle.
- Par la suite un traitement local par radiothérapie permet d'irradier la tumeur, mais aussi les ganglions. Si des ganglions proches du sternum (mammaire interne) sont découverts (ce qui est le cas en cas de tumeur située du côté interne du sein), ils sont systématiquement irradiés. En revanche les ganglions de l'aisselle ne sont plus systématiquement irradiés.
La radiothérapie est effectuée après la chimiothérapie si celle-ci a été décidée.
- On propose également une chimiothérapie adjuvante pour les personnes ayant au moins un facteur de mauvais pronostic : femme de moins de 35 ans, dont la tumeur est supérieure à 2 cm, avec un envahissement ganglionnaire, et d'un grade SBR supérieur à 1. Le nombre de cycles de chimiothérapie est d'au moins 6 cycles toutes les 3 semaines. On utilise généralement les anthracyclines en association au 5-fluorouracil et le cyclophosphamide. On utilise de plus en plus les taxanes dans ces protocoles.
- Si la personne est HBR positif, elle reçoit un traitement hormonal pendant 5 ans. Il s'agit soit de tamoxifène, soit chez les femmes ménopausées d'un traitement par anti-aromatases d'emblée ou en relais après du tamoxifène.
Tumeurs de grande taille
- A condition qu'il n'y ait pas de métastases, l'attitude habituelle est une mastectomie suivie d'une radiothérapie du thorax plus ou moins étendue. A cela s'ajoute une chimiothérapie avec ou sans hormonothérapie en fonction du pronostic.
- Il peut arriver qu'on décide d'abord
d'une chimiothérapie, voire d'une hormonothérapie dite néo-adjuvante (c'est à dire comme traitement de première intention) suivie d'une chirurgie conservatrice secondaire.
Tumeurs non accessibles
- Pour les tumeurs non accessibles à une mastectomie ou trop inflammatoires, on commence par une chimiothérapie avec ou sans hormonothérapie. La décision chirurgicale est prise en fonction des résultats au traitement médical.
Les différentes techniques
Source ANAES Septembre 2004
La chirurgie conservatrice
Voie d'abord
- Le principe est de faire une "tumorectomie", c'est à dire une extirpation de la tumeur, en prévoyant une marge de sécurité (c'est à dire en empiétant sur le tissu sain), et en essayant que celle-ci soit la plus petite possible pour ne pas compromettre la reconstruction.
- L'incision est fondamentale car elle tient compte de la probabilité de lésion bénigne ou maligne. Dans ce dernier cas, la longueur de l'incision est plus étendue que le plus grand diamètre de la tumeur, à la fois pour avoir un abord large évitant le morcellement de la tumeur, et pour permettre un remodelage avec des berges nettes.
- Le type d'incision est décidé en fonction de la morphologie de la lésion, de sa topographie, de son volume, mais aussi en fonction de la forme et du volume du sein.
- A moins d'une tumeur infiltrant la peau, le chirurgien ne retire pas de peau.
- Il est parfois nécessaire lorsque la chirurgie conservatrice est étendue que l'autre sein soit réduit de façon à conserver une symétrie. Cette symétrisation peut être effectuée dans le même temps opératoire.
- Il peut arriver que la tumorectomie soit réalisée selon une incision utilisant les techniques de chirurgie plastique des seins . On parle alors de "chirurgie oncoplastique".
Extirpation de la tumeur
- Le volume de ce qui est retiré dépend de la présomption de bénignité ou de malignité de la tumeur. On découpe de toute façon, par principe une marge de tissu sain. Toutefois, celle-ci sera plus importante en cas de certitude de cancer ou en cas de présomption forte. L'étude extemporanée (c'est à dire l'examen de la tumeur par l'anatomopathologiste en cours d'intervention), permet alors de décider s'il faut élargir ou non.
- D'une manière générale, en cas de cancer on mord par principe au moins de 10 mm dans le tissu sain.
- S'il y a des microcalcifications, le chirurgien passe à distance de ce qui a été vu à la mammographie .
- En cas de cancer infraclinique , le chirurgien retire la zone suspecte avec une marge de sécurité de plus de 5 mm. La zone retirée reste inférieure à 30 grammes.
La fin de l'intervention
La décision dépend de plusieurs éléments :
- Soit l'intervention nécessite un complément chirurgical d'après l'étude extemporanée effectuée en cours d'intervention, et dans ce cas il faut tailler plus profondément dans la glande saine
- soit un curage ganglionnaire est nécessaire,
- soit l'incision est refermée et suturée avec soin pour garantir une cicatrice la plus esthétique possible.
Mastectomie
Principe
- Il s'agit dans ce cas de retirer la totalité de la glande mammaire. Cette intervention est réservée aux cancers.
- Elle est prévue pour permettre à la fois l'extirpation de la tumeur, le curage ganglionnaire éventuel (cf.infra), et une reconstruction du sein immédiate ou différée.
- Le chirurgien retire la totalité de ce qu'il voit et qu'il considère être la tumeur et la donne aussitôt à l'anatomopathologiste pour étude extemporanée.
Complément chirurgical
- L'étude extemporanée peut montrer une tumeur cancéreuse nécessitant une ablation plus importante avec ou sans curage ganglionnaire (cf.infra)
- Lorsqu'il s'agit de cancers in situ (cancers infracliniques) ou de cancers infiltrants de bon pronostic, la mastectomie est parfois prolongée par une reconstruction immédiate.
Le remodelage du sein
- Il est systématique de façon à éviter un trou inesthétique.
- Il consiste à combler la zone opérée avec deux lambeaux de glande saine.
- La suture de la peau est ensuite effectuée avec soin.
Le curage ganglionnaire
- Il consiste à retirer les ganglions de l'aisselle ("ganglions axillaires") soupçonnés d'être envahis. Il est réservé aux cancers invasifs du sein.
- Ce curage n'est effectué que lorsqu'on ne peut pas faire autrement, en raison des effets secondaires immédiats ou à distance de l'intervention.
- En cas de mastectomie le chirurgien utilise la voie d'abord large qu'il a emprunté pour retirer la tumeur. En cas de chirurgie conservatrice, une autre incision sera effectuée sous le bras, dans le creux de l'aisselle pour minorer la cicatrice.
- La dissection est délicate car il existe une artère et une veine importante, ainsi que de nombreux nerfs qu'il est fondamental d'épargner en particulier pour préserver la sensibilité du bras.
- Un repère métallique peut être placé pour guider la radiothérapie éventuelle.
- Il faut retirer au moins 10 ganglions.
- De façon à éviter un lymphoedème , les vaisseaux lymphatiques sont minutieusement coagulés et ligaturés.
- Un drain aspiratif est posé dans l'aisselle et la peau est suturée.
- Ce curage a l'inconvénient de donner le "syndrome des gros bras" (gonflement global du bras en raison d'une moins bonne évacuation de la lymphe. De même il peut y avoir des troubles de la sensibilité du bras ou des limitations des mouvements de l'épaule. C'est pour cela qu'on tente parfois de décider la nécessité du curage par l'étude du "ganglion sentinelle".
Etude du ganglion sentinelle
- Ce ganglion est le premier ganglion dans lequel la tumeur se draine. Il est en général dans l'aisselle. On peut le repérer avant l'intervention par l'injection d'un traceur (colorant ou produit radioactif).
- Ce ganglion une fois repéré est prélevé, examiné en étude extemporanée, et c'est en fonction du résultat qu'est effectué ou non le curage ganglionnaire, ce qui permet d'en faire l'économie et donc d'éviter les complications et les séquelles.
- Ce choix d'intervention est réservé aux cancers infiltrants, aux tumeurs uniques, d'une taille inférieure à 20 mm, sans ganglion palpable suspect, et chez une personne n'ayant pas subi de biopsie du sein avant l'intervention. (Source ANAES 2003).