Point de départ
La peur du cancer est irraisonnée, c'est une angoisse que l'on porte en soi, à des degrés divers, car il est encore trop dans les esprits synonyme de mort, d'arrêt de l'arbitre . Chacun à un moment quelconque de sa vie peut avoir l'esprit traversé par cette question lancinante : et si c'était un cancer ? .
Le problème, c'est que la peur n'exclue pas le danger : cette maladie, bien que de mieux en mieux dépistée et soignée reste redoutable et constitue une cause importante de mortalité, d'autant plus importante que l'on vieillit.
Comment faire la part des choses ?
Risques objectifs
Le cancer est une maladie multifactorielle, c'est à dire dont la survenue dépend de nombreux éléments qui se surajoutent les uns aux autres. Parmi les plus fréquents :
- L'hérédité : il existe des familles à risque de cancer du sein ou du colon.
- La génétique : certains gènes prédisposent à l'apparition de cancers.
- Les comportements : le tabac ou l'alcool par exemple, exposent à un plus grand risque d'apparition de certains cancers (poumons, vessie, oesophage...)
- L'âge : plus on vieillit, plus le système de régulation qui maîtrise la division des cellules risque de se perturber et donc provoquer des divisions anarchiques.
- Les mutations : les cellules peuvent muter, c'est à dire voir leurs chromosomes subir des cassures ou des altérations, elles-mêmes responsables de cancers. Plus on avance en âge, plus la probabilité de mutation augmente et donc plus le risque de cancer augmente.
- Les maladies prédisposantes. Certaines tumeurs bénignes peuvent se cancériser comme certains kystes de l'ovaire . De la même façon, certaines maladies peuvent dégénérer en cancers : exemple la cirrhose qui risque de provoquer un cancer du foie .
- L'absence de surveillance. Cela fait partie des comportements à risque : ne pas se faire pratiquer des frottis réguliers quand on est une femme en période d'activité génitale est une prise de risque objectif. Il en est de même si on néglige de montrer une boule dans le sein ou un grain de beauté qui se transforme et grossit. Souvent, au delà de la simple négligence, il s'agit de la peur que cette boule ou ce grain de beauté puisse être un cancer ; la peur du résultat, qui fait partie des risques subjectifs fait alors prendre un risque objectif.
Ces risques objectifs font peur, car contre certains on ne peut rien (hérédité, âge, etc.). Et ce qui concerne ceux contre lesquels on peut faire quelque chose (tabac, alcool, etc.), on est souvent prisonnier de son comportement et de son addiction, ce qui entraîne un sentiment d'impuissance et de faiblesse plus ou moins enfoui dans l'inconscient, et qui contribue à entretenir une angoisse latente.
Injustice
À cause de ces critères objectifs, intervient une notion d'injustice : certaines personnes ont un cancer alors qu'elles menaient un existence réglée, sans excès, avec une attitude préventive responsable.
Pour d'autres, c'est l'inverse, la survenue d'un cancer survient presque comme une punition méritée , tant ils ont contrevenu aux règles minimum d'hygiène de vie.
Que le cancer soit ressenti comme juste ou injuste , on est de toute façon bien dans le domaine de la sanction qui selon le cas est imméritée ou méritée.
L'arbitre entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, porte un nom : ce sont les statistiques. Ce sont elles qui définissent la fourchette de la normalité : si on fume on augmente de façon notable le risque de développer un cancer.
Cette notion de sanction contribue à renforcer cette peur du cancer.
Peur subjective
On est dans l'ordre du fantasme : même s'il n'y a aucune raison objective d'avoir un cancer, la peur d'en faire un, rôde sans cesse, ne serait-ce qu'à cause de ce sentiment diffus d'injustice.
Et parfois aussi, une vieille culpabilité enfouie, un non-dit que l'on traîne au fond de sa tête peut suffire à hanter l'existence, au point que le moindre signe réel ou ressenti est interprété comme le début d'un cancer. C'est ce qui se passe chez les personnalités anxieuses ou les personnalités angoissées .
Peur de la mort
En cela, le cancer stigmatise notre peur viscérale de la mort et de la déchéance qui peut survenir au décours de cette maladie. C'est pour cela aussi que le cancer fait peur. Ce sentiment humain ne se raisonne pas et ne peut se modifier qu'au cours d'une quête personnelle. C'est toute la question de la condition humaine.
Finalement quand est-il raisonnable d'avoir peur ?
C'est quelque chose qui ne se raisonne pas. La seule attitude raisonnable réside finalement dans la prévention :
- Se faire dépister grâce à des examens réguliers lorsqu'on a un certain type de cancer dans la famille.
- Ne jamais négliger quelque chose qui traîne : une toux qui s'installe, un amaigrissement inexpliqué, un bouton qui se transforme, un saignement quel qu'en soit l'origine, une sensation de boule anormale. Dans ces cas, consulter un médecin.
Mais elle réside également dans un certain état d'esprit : en matière de santé, ce qui compte c'est l'instant présent et ce que l'on peut faire pour préparer l'avenir. Le reste fait partie d'une peur irraisonnée qui peut empoisonner l'existence et parfois même - certains médecins le pensent - préparer le lit du cancer.