Efficacité des antibiotiques
Trop prescrits, sur des durées trop longues, les antibiotiques perdent leur efficacité. C'est particulièrement vrai en
urologie où ils sont souvent utilisés dès qu'un ECBU (examen cytobactériologique des urines) signale une colonisation bactérienne. Il faut d'urgence revoir les pratiques.
La sur-utilisation des antibiotiques a entraîné une diminution de l'efficacité de ces traitements. De plus en plus de germes sont résistants aux antibiotiques à large spectre. Quelques germes sont aujourd'hui résistants à tous les antibiotiques.
Colonisation bactérienne/infection urinaire
Pourquoi les antibiotiques sont-ils tellement prescrits ? Tout d'abord parce qu'on réalise beaucoup trop d'examens cytobactériologiques des
urines (ECBU). Quand un patient se plaint de douleurs dans l'abdomen, d'un état un peu fébrile, d'une fatigue, et qu'on ne trouve pas de cause facilement identifiable, il n'est pas rare que le médecin traitant propose un ECBU. Dans un certain nombre de cas l'examen revient positif. La prescription d'antibiotiques s'ensuit.
Une erreur car il convient de bien distinguer les "colonisations bactériennes" des "infections urinaires" :
• La colonisation est un phénomène extrêmement fréquent ; il s'agit de la présence de germes dans les urines sans symptômes associés. La colonisation bactérienne n'est pas une pathologie, elle ne doit pas être traitée. Sauf dans deux cas particuliers, la
grossesse et le préopératoire d'une
chirurgie du tractus urinaire car on ne veut pas prendre le risque que le germe détecté dissémine ailleurs.
• L'infection urinaire en revanche s'accompagne de symptômes comme les
brûlures à la miction, des urines troubles, des douleurs lombaires ou de la fièvre…
Le même excès de traitement se retrouve chez les patients porteurs de sondes. Lorsqu'un patient porteur d'une sonde urinaire entre à l'hôpital avec un peu de fièvre, il est le plus souvent mis de manière automatique sous antibiotiques. Or, dans l'immense majorité des cas, ces patients n'ont pas d'infection urinaire.
Durée et dose adéquate
Si les résistances aux antibiotiques se développent en urologie c'est aussi parce qu'on ne prescrit pas la bonne durée et la bonne dose, et parce que le choix des antibiotiques n'est pas toujours opportun.
• Durée : les traitements doivent être les plus courts possibles. Les recommandations actuelles indiquent qu'en cas d'infection urinaire aigüe, le traitement de référence dure soit 1 jour (dose unique, un sachet de monuril), soit 3 jours. Pas plus. Sauf cas particulier. Or la plupart des prescriptions sont bien plus longues. De même pour les infections urinaires récidivantes, pourquoi traiter 10 jours quand 5 suffisent.
• Dose : encore faut-il prescrire la dose adéquate. Là encore, il existe des recommandations précises qu'il convient de suivre. Néanmoins les médecins continuent de donner trop souvent des doses plus faibles ce qui concourt à développer des résistances. Un exemple : les aminosides. Ces antibiotiques sont utilisés sous forme injectable dans les infections urinaires sévères. La dose recommandée de
gentamicine s'élève à 5 mg/kg. Or, la majorité des médecins l'utilisent à raison de 3 mg/kg. En prescrivant un antibiotique à une dose trop faible et pendant une durée trop longue, on augmente les résistances !
Antibioprophilaxie
L'antibiothérapie est volontiers utilisée en préopératoire pour diminuer le risque d'infection postopératoire. Notamment dans la chirurgie endoscopique de la
prostate. Il y a des cas où cette antibioprophylaxie est justifiée et d'autres où, au contraire, elle est à proscrire. Là encore, il existe des recommandations qu'il suffit de suivre. Dans certaines situations, identifiées dans les recommandations, le fait de mettre sous antibiotique un patient, ne le protège non pas du risque infectieux mais, au contraire, augmente ce risque car l'antibiotique risque de sélectionner des germes résistants !
Antibiotiques à large spectre
Certains antibiotiques augmentent plus les résistances que d'autres. Hélas, ce sont justement ceux-là qui sont les plus utilisés en urologie parce qu'ils ont un large spectre d'action. Tant qu'il ignore quelle est la bactérie responsable de l'infection, le médecin est tenté de proposer un antibiotique agissant sur de nombreux germes. Par exemple, la fluoroquinolone. Il ne faut pas hésiter à réaliser des antibiogrammes et opter pour une antibiothérapie plus ciblée au moment où l'on reçoit les résultats de l'antibiogramme, c'est-à-dire de changer d'antibiotique à réception de l'antibiogramme.
Autres moyens
Du côté de la cranberry ou canneberge, il y a "à boire et à manger". La canneberge est indiscutablement efficace en traitement de fond pour les infections urinaires récidivantes à Escherichia coli, à condition d'avoir le bon dosage. Or, que ce soit sous forme de complément alimentaire, de jus de fruit, ou sous d'autres conditionnements, tous les produits à base de canneberge sont loin de se valoir. A Tours, le laboratoire de pharmacognosie de la faculté de pharmacie a étudié différents échantillons. Certains sont excellents. Pour d'autres produits ou extraits, il faudrait boire jusqu'à 30 litres par jour pour avoir la dose adéquate.
Des mesures diététiques sont efficaces notamment celles qui visent à modifier l'équilibre acido-basique du régime alimentaire. Les
probiotiques ont fait leurs preuves pour rééquilibrer la flore et favoriser l'immunité locale.
Enfin la vaccination anti-Escherichia coli est toujours en développement. Son arrivée pourrait changer la donne. C'est aussi le cas du microbiote qui consistera à utiliser la flore habituelle pour éradiquer les infections.