Principe
La méditation de pleine
conscience consiste à être attentif délibérément dans le présent et sans
jugement à ses sensations internes et ses perceptions. Cela permet d'avoir « conscience de notre conscience » et d'élargir notre filtre attentionnel. Notons que ce mode de fonctionnement mental peut survenir spontanément chez tout être humain.
La pleine conscience est issue des travaux du psychologue américain Jon KABAT-ZINN qui a créé une institution pour la gestion des douleurs chroniques. Elle est influencée par la méditation bouddhiste. J. KABAT-ZINN la définit comme un « état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l'expérience qui se déploie moment après moment », (Kabat-Zinn, 2003).
On est tous dans un mode de faire et d'être dont on n'a pas forcément conscience. Dans la méditation en pleine conscience, il s'agit de prendre un temps pour se concentrer sur ses sensations corporelles, ses pensées, et ses émotions ainsi que sur ce qui nous entoure à ce moment-là (bruits, odeurs, température, etc.). L'attention portée doit rester une simple observation, sans chercher à comprendre, à contrôler ou à arrêter ce qui survient. Juste laisser aller et venir les idées, les affects et les sensations dans son corps. Il s'agit davantage d'être présent à soi et au monde, de se laisser envahir par les manifestations de l'environnement et par ses propres sensations.
Trois attitudes
Le docteur Christophe André, médecin psychiatre, décompose la méditation en pleine conscience en trois attitudes fondamentales :
• « Une
ouverture maximale du champ attentionnel, portant sur l'ensemble de l'expérience personnelle de l'instant, autrement dit, tout ce qui est présent à l'esprit, minute après minute : perceptions du rythme respiratoire, des sensations corporelles, de ce que l'on voit et entend, de l'état émotionnel, des pensées qui vont et viennent.
• Un désengagement des tendances à juger, à contrôler ou à orienter cette expérience de l'instant présent.
• La pleine conscience est une conscience « non élaborative », dans laquelle on ne cherche pas à analyser ou à mettre en mots, mais plutôt à observer et à éprouver. »
Effets
La pratique de la méditation en pleine conscience aurait des conséquences intéressantes sur la santé physique et mentale :
• En cardiologie, dans le traitement des douleurs chroniques, la dermatologie, les troubles respiratoires, des études scientifiques attestent de l'intérêt de la méditation de pleine conscience.
• En psychiatrie, la méditation en pleine conscience est recommandée notamment pour la réduction du
stress et la
prévention des rechutes chez les patients ayant présenté trois épisodes dépressifs ou davantage.
• Sur le fonctionnement cérébral, des études scientifiques sont en cours pour mesurer les effets de cette pratique.
Thérapie
La pleine conscience est intégrée dans différentes formes de
psychothérapies :
• REDUCTION DU STRESS (MBSR : Mindfulness Based Stress Reduction)
Cette méthode a été la première à avoir été codifiée et introduite dans le champ de la médecine par J. Kabat-Zinn. Elle propose de ne pas chercher à fuir les moments de tension quotidiens par la distraction en pensant à autre chose ou par l'action, en se lançant dans une activité de travail ou de loisir. A l'inverse, il s'agit de prendre une conscience claire de tous les instants. Cette conscience est neutre, ne cherche pas à entraîner une réaction ni à discriminer ce qui vient (émotions, pensées, sensations). Accueillir et observer ce qui vient, dans cet état particulier de conscience et d'éveil corporel permet d'éviter que les douleurs ou le stress s'aggravent ou deviennent chroniques. A force de pratique, la pleine conscience permet de percevoir de plus en plus clairement les causes de la souffrance et de s'extraire progressivement des conflits, permettant de gagner peu à peu en liberté, en sagesse et en tranquillité.
Indications : états anxieux ou douloureux chroniques.
• THERAPIE COGNITIVE (MBCT : Mindfulness Based Cognitive Therapy)
Cette thérapie cognitive associée à la pleine conscience a été codifiée et scientifiquement évaluée par Z. Segal, J. Teasdale et M. Williams de l'Université de Toronto. Ils ont montré qu'il existe une réactivité cognitive accrue chez les personnes dépressives, expliquant les rechutes de plus en plus fréquentes après chaque épisode. Elle correspond à l'introduction de la méditation dans les thérapies cognitivo-comportementales. Dans la pratique, on fait précéder les exercices de thérapie cognitive par des exercices de pleine conscience. On cherche à explorer tout ce qu'une
pensée négative déclenche en termes d'émotions, de réactions corporelles, de pensées, de ruminations, de comportements. L'instructeur explique aussi aux patients ce que sont les ruminations dépressives et les signes cliniques de la
dépression et leur apprend à utiliser la pleine conscience au quotidien pour mesurer leur
humeur. En effet, certains auteurs ont montré que les ruminations dépressives étaient liées au refus des états émotionnels douloureux et à la mise en place de stratégies de lutte et de résolution de problème pour quitter ces états douloureux. Ces stratégies inefficaces conduisent à l'épuisement et au sentiment d'échec qui accompagne la dépression.
Indications : prévention des rechutes chez les personnes dépressives. Notons que les patients qui participent à ce programme doivent être en rémission. Il est difficile de se concentrer dans un état dépressif majeur. Les indications de ce programme sont en train de s'élargir, notamment une application aux addictions et aux troubles alimentaires.
• THERAPIE COMPORTEMENTALE DIALECTIQUE (DBT : Dialectal Based Therapy)
Cette thérapie, conçue par la psychologue comportementaliste M. Linehan, permet aux patients de développer une conscience émotionnelle et ainsi une meilleure tolérance aux émotions douloureuses qu'ils ressentent et qu'ils ont tendance à liquider par des passages à l'acte (agressions verbales, auto-agressions, gestes suicidaires) ou par la consommation de produits toxiques.
Indications : troubles de la
personnalité de type borderline.
Modalités
Cette thérapie nécessite un minimum d'élaboration de la part des patients. Elle s'organise généralement sur huit semaines, avec une séance de deux heures par semaine. Les séances se déroulent en groupe d'environ dix personnes placées en cercle. Durant les séances, des exercices pratiques de méditation sont proposés et les participants sont invités à les pratiquer quotidiennement chez eux.
EXEMPLES D'EXERCICES PRATIQUES :
• le body scan : conscience de son corps,
• la concentration sur la respiration,
•
lecture de poèmes,
• le voir et l'entendre,
• expérimenter des humeurs.
En plus de ces exercices, des pratiques quotidiennes sont suggérées comme prêter attention aux gestes du quotidien tels que manger, marcher, se brosser les
dents en pleine conscience, et non en pensant à autre chose ou en faisant autre chose dans le même temps. On conseille aussi de profiter des temps d'attente ou de transports pour pratiquer la méditation en pleine conscience quelques instants, de prendre l'habitude d'accepter d'éprouver les émotions désagréables sans les amplifier plutôt que de vouloir à tout prix les éviter.
Cette approche repose sur l'idée que la plupart de nos difficultés psychiques proviennent de stratégies inadaptées, fondées notamment sur le
désir d'éviter la douleur. Ainsi, renoncer à ces stratégies permet souvent d'atténuer la souffrance plus rapidement et surtout plus durablement.