Maladie thrombo embolique veineuse (MTEV)
La MTEV désigne la phlébite et l'embolie pulmonaire :
La phlébite ou thrombose veineuse profonde (TVP) correspond à la formation d'un caillot de sang dans une veine du système veineux profond, généralement au niveau des jambes, des cuisses ou des plis de l'aine. Ce caillot obstrue la veine et bloque la circulation sanguine en générant différents signes cliniques, douleur, inflammation et œdème.
L'embolie pulmonaire survient si un fragment de ce caillot se détache de la veine,parcourt la circulation sanguine jusqu'au cœur, puis aux poumons. Là, il se bloque dans son parcours au sein de l'artère pulmonaire ou de l'une de ses branches de plus petit calibre et il empêche alors le bon fonctionnement du poumon(ventilation, perfusion au niveau des alvéoles pulmonaires). Les signes cliniques sont en général une gêne respiratoire avec essoufflement,accélération du rythme cardiaque, douleur thoracique voire syncope. Parfois,aucune manifestation clinique n'alerte le patient : il s'agit d'un accident asymptomatique dans plus de 30% des cas.
Triade de Virchow
A la fin du 19ème siècle, l'allemand Rudolf Virchow a décrit la triade à l'origine de cette thrombose, l'association des trois facteurs favorisant la formation du caillot :
-
Stase sanguine : variations hémodynamiques avec un phénomène de ralentissementdu flux circulatoire.
-
Dysfonctionnement ou altération de l'endothélium (couche la plus interne de la paroi des vaisseaux sanguins en contact avec le sang) : c'est une lésion vasculaire qui se produit en particulier en cas d'intervention chirurgicale,ou de traumatismes.
- Hypercoagulabilité : modification de la nature du sang causée par différents facteurs (hyperviscosité, diabète, insuffisance rénale, pilule, obésité, tabac, cancer, infections graves …) facilitant la coagulation.
Thrombose et cancer
Plusieurs enquêtes épidémiologiques ont montré que la survenue d'une thrombose veineuse pouvait être révélatrice d'un cancer jusque-là inconnu, et que la thrombose chez les patients atteints de cancer constituait un facteur de mauvais pronostic et représentait un danger immédiat pour leur vie :
-
La thrombose veineuse profonde (TVP) et l'embolie pulmonaire (EP) représentent la première cause de mortalité chez les patients atteints de cancer (après le cancer lui-même).
-
Le risque de MTEV est multiplié par 4 à 7 chez les patients atteints de cancer traités par chimiothérapie.
-
Le cancer triple le risque d'embolie pulmonaire fatale.
-
La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) réduit par 3 les chances de survie des patients atteints de cancer.
La survenue d'une thrombose silencieuse récidivante, importante en volume et idiopathique (sans cause apparente), peut confirmer l'existence d'un état d'hypercoagulabilité ou d'une coagulation exagérée, bien avant la détection clinique d'un cancer.
Au cours du cancer, lerisque de MTEV est accru car la formation de caillots est favorisée :
-
par le cancer lui-même (les cellules cancéreuses produisent des substances stimulant la coagulation et l'inflammation),
-
par les traitements anti-cancéreux (radiothérapie, chirurgie, pose d'un cathéter veineux central ou chambre implantable, et de nombreux médicaments - chimiothérapie, hormonothérapie…) qui irritent les cellules du compartiment vasculaire et qui contribuent à leur coopération pour la genèse du caillot.
La relation cancer et thrombose est naturelle et même génétiquement déterminée car les mêmes gènes facilitant l'apparition du cancer sont liés aux systèmes biologiques contribuant à la coagulation sanguine. Le facteur tissulaire, véritable gâchette de la coagulation, est la pierre angulaire de cette relation intime entre le cancer et la thrombose. Le facteur tissulaire est exprimé en grande quantité par les cellules tumorales. Il amplifie aussi bien le développement du cancer ou la dissémination des métastases que la formation d'un caillot engainant les cellules cancéreuses. Le caillot forme ainsi une véritable barrière protégeant la tumeur des cellules du système immunitaire qui ne peuvent la détruire et même de la chimiothérapie qui ne peut l'atteindre complétement. On peut donc dire que « Le cancer s'allie au caillot qui lui fait son lit » !
Coagulabilité et inflammation
L'inflammation est une véritable « fièvre vasculaire ». Les cellules sont plus « réactives » et leur circulation est compromise par la viscosité augmentée du contenu vasculaire (davantage de protéines circulantes, beaucoup plus de molécules adhésives à la surface des cellules…). Il faut diluer le sang car l'hyperviscosité engendre l'hypercoagulabilité (résistance à l'écoulement du flux sanguin dans les vaisseaux). A cela s'ajoute aux autres facteurs de risque extrinsèques chez le patient cancéreux qui mettent aussi le « feu aux poudres » : radiothérapie, chimiothérapie, alitement...
Prévention
Vingt pour cent des malades atteints de cancer feront une thrombose. Ce risque est en fait singulièrement augmenté en fonction du profil évolutif de la tumeur, de sa taille, de son caractère métastatique et de son type histologique. Tous les types de cancers solides (cérébral, gastrique, mammaire, pancréatique, digestif, génito-urinaire, pulmonaire…) ou liquides (lymphomes, myélome…) sont concernés par ce risque de thrombose. Ce risque peut être majoré par le traitement anti-cancéreux proprement dit : chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie… Il faut donc évaluer ce risque plurifactoriel chez tout malade cancéreux, pour définir une véritable « chrono thrombo-prophylaxie » : une stratégie préventive du risque vasculaire adaptée à un contexte donné. Actuellement, en dépit de recommandations des sociétés savantes, moins de 50% des patients reçoivent une thromboprophylaxie avisée. L'organisation de Réunions de concertation pfluridisciplinaires devrait permettre leur application plus régulière avec une meilleure prise en charge Traitement
En cas d'épisode thrombotique, il est indispensable de prescrire un traitement anticoagulant prolongé d'au moins 6 mois. Il est généralement sous la forme d'injections quotidiennes administrées par voie sous-cutanée. Celui-ci va aider à fluidifier le sang empêchant ainsi la formation d'autres caillots. Ce traitement empêche également le caillot déjà constitué de grossir. Cela permet aussi d'éviter qu'il ne migre vers les poumons, provoquant une embolie pulmonaire parfois fatale.
Il est également recommandé le port de bas de contention adaptés dont la compression veineuse mécanique limite la stase et facilite le retour veineux, en apportant un certain confort et un soulagement physique de cette insuffisance veineuse.