La situation
« Quand je serai grand je me marierai avec ma maman». Phrase classique
que la quasi-totalité des parents qui ont un petit garçon ont entendu.
La situation est très simple : le petit garçon fait tout pour séduire sa mère et écarter son père.
La maman est flattée, mais le papa ne sait parfois pas trop comment gérer cette situation : comment remettre les choses en place ? D'ailleurs faut-il les remettre en place ? Et de quelle façon sans blesser son fils ?
Ce qui se passe dans sa tête
Le parent opposé est l'objet de l'amour qui écarte le parent de même sexe. Toutes les stratégies sont alors bonnes pour cela : déclarations, câlins, oeillades, crises de jalousie, investissement du lit des parents pour en éjecter le père, bagarres avec le papa où le petit garçon peut exprimer parfois avec violence ce rejet du père.
L'interprétation du psy
On est là au coeur même du fameux complexe d'Oedipe . Il se déroule en plusieurs temps selon l'âge.
- Entre 2 et 4 ans, le petit garçon est attiré de façon plus ou moins forte vers sa mère. Cette attirance tout à fait normale et sexuée l'amène à rechercher le contact avec sa mère, objet de toute son désir et de tout son amour.
- Entre 4 et 6 ans, ce qui était simple attirance, devient un besoin de possession de sa mère. Le petit garçon va donc découvrir ce que sont la jalousie et la rivalité avec son père. Mais, en même temps, il se fait jour chez lui une ambivalence des sentiments : il cherche à écarter –parfois physiquement - son père, mais en même temps il redoute par ces manoeuvres de perdre l'amour que son père lui porte. En effet, son père est fier de lui, il le lui montre. D'où situation assez inconfortable qui peut l'amener à une certaine confusion et une culpabilisation .
- L'Oedipe chez le petit garçon ne revêtira pas les mêmes formes que chez la petite fille car l'agressivité et ses manifestations ne sont pas les mêmes.
Généralement, après l'âge de 6 ans, tout se termine bien, et le petit garçon admet le fait que jamais il ne pourra épouser sa mère. C'est généralement vers cet âge qu'il prend alors son père pour modèle, et qu'il investit son amour pour sa mère sur une autre personne comme l'institutrice par exemple.
- Mais parfois, cette impossibilité d'épouser la mère est une déception malgré tout, et la frustration qui en découle peut être soit un moteur dans l'existence et un facteur d'ouverture, soit un véritable boulet, une fermeture. L'ouverture, c'est pour le petit garçon la possibilité d'aimer une autre femme puisque cet amour de la mère est interdit. Cet impossible amour va ouvrir à tous les autres. A l'inverse, la fermeture, c'est l'impossibilité d'admettre cet amour impossible et d'en conserver une frustration indélébile qui rendra difficile tout amour ultérieur d'une autre femme.
Votre attitude
Elle est importante, mais ce n'est pas vous qui avez toutes les cartes malgré les efforts que vous pouvez faire : votre fils a les clefs d'une part de son destin sur lequel vous ne pouvez rien. Donc, de votre côté la culpabilisation est à évacuer de la même façon.
- En tant que mère vous pouvez lui rappeler très gentiment que l'on n'épouse pas sa maman, même si vous en êtes naturellement très flattée. Et de la même façon, dites-lui que plus tard, il pourra se marier et avoir des enfants à qui il devra enseigner que l'on n'épouse pas sa maman.
- En tant que père, ne vous offusquez pas de sa violence à votre égard et de ses tentatives d'éviction. C'est un passage normal. Il est important d'en parler au sein du couple, pour que ce qui est tout à fait naturel et normal ne devienne pas un non-dit, quelque chose de confus, voire de malsain. La maman en particulier doit faire comprendre à son fils que le lit conjugal est celui de son père et de sa mère. C'est à elle à remettre son fils dans son propre lit, et non le père, car le petit garçon vivrait cela comme une agression du père.
- Ne choisissez pas non plus l'évacuation du problème. C'est un passage obligé qu'il faut emprunter. Tâchez plutôt de le vivre comme une aventure psychologique naturelle, exactement comme la relation d'amour que vous avez avec votre enfant ou avec votre conjoint.
Les pièges
- Etre flattée par ces déclarations d'amour, oui. En faire un secret « à tous les deux », revient à créer de la confusion et à évincer un peu plus le père qui en souffrira et qui risque d'introduire un conflit direct ou indirect là où il n'a pas lieu d'être. Le complexe d'Oedipe fait partie des épreuves obligées du couple qui a un enfant.
- Ne laissez pas non plus planer les doutes, les ambiguïtés ou les situations équivoques quand votre fils affirme sans ambages le désir qu'il a de sa mère.
- Enfin ne rentrez pas dans son jeu pour avoir la paix en lui disant, « mais oui, plus tard tu pourras m'épouser… ». Ce serait la tromper grandement et lui infliger sa première déception amoureuse. Ce serait tricher.