Douleur
Généralement, l'arthrose se diagnostique par deux symptômes cliniques : la gêne fonctionnelle et la douleur. Ces deux symptômes étant étroitement corrélés, on peut dire : "Plus j'ai mal, moins je bouge - moins j'ai mal, plus je bouge".
Un premier problème se pose dans l'identification de la douleur et donc de la maladie : le tissu cartilagineux dont la destruction est à l'origine même de la maladie n'a pas de terminaisons nerveuses. Le
cartilage n'étant pas innervé, ce sont les deux autres structures les plus impliquées dans l'articulation (qui, elles, sont innervées) qui « vont faire mal » : la membrane
synoviale et l'os chondrial transmettront au
cerveau l'information de la douleur.
D'autres constituants de l'articulation peuvent également envoyer le message comme les
tendons ou les
ligaments. Les ressentis du patient, annonciateurs d'arthrose, sont confirmés par des signes morphologiques visibles sur une radiographie mais aussi à l'oeil nu (gonflements, déformations des articulations). Pour autant, il n'y a pas de stricte corrélation entre le dommage structurel identifiable à la radio et l'intensité de la douleur, ni même avec la gêne fonctionnelle.
On peut donc ressentir une douleur arthrosique sans qu'il y ait de lésions visibles et, inversement, des lésions qui apparaissent comme significatives de l'arthrose n'entraînent pas forcément une douleur en rapport avec les dommages observés. C'est un réel problème
Mesurer et analyser la douleur
Une évaluation précise de la douleur est la base d'une bonne stratégie thérapeutique : il faut faire comprendre au patient que s'évaluer c'est déjà se traiter. Or, la mesure de la douleur a ses
limites : c'est une expérience subjective, basée sur le ressenti du patient plutôt que sur l'imagerie médicale. Elle s'appuie sur des "outils" de communication qui mesurent son intensité, sa nature, son impact… Chaque outil de mesure sera utilisé en fonction d'objectifs précis. L'échelle numérique de la douleur (notation de l'intensité de la douleur sur une échelle graduée) permet de mesurer son intensité, mais cela reste insuffisant. Il faut aussi comprendre pourquoi, comment, quand on a mal…
Des tests évaluent le retentissement de la douleur comme le test de Lequesne ou l'indice WOMAC qui mesure la sévérité symptomatique de la gonarthrose dans les domaines de la douleur, la raideur et les fonctions motrices. Des questionnaires sont plus axés sur l'évaluation du profil patient comme ICOAP qui vise à définir un phénotype (par exemple, identifier les patients aux douleurs intermittentes et ceux dont la douleur est permanente). Le questionnaire OASIS répond à une approche qualitative de la douleur. D'autres outils cherchent à mesurer le degré d'acceptabilité de la douleur.
XDouleur de l'arthrose en vidéo
Arthrose : les traitements (2/3) Le professeur Pierre Bourgeois, professeur de rhumatologie, chef du service rhumatologie du CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris nous parle des traitements de l'arthrose. La règle est de partir du plus simple pour aller vers le plus compliqué. D'abord les antalgiques puis les anti-inflammatoires non-stéroïdiens éventuellement accompagnés d'injections directement dans les articulations. Et évidemment in fine les prothèses surtout pour la hanche et le genou. (source httpss://www.carenity.com ) | 3 vidéos |
Analyse quantitative de la douleur
A partir d'une étude cherchant à reconnaître les différents paramètres de la douleur, sept domaines ont été identifiés :
• la description sensorielle,
• les symptômes arthrosiques,
• la variabilité de la douleur,
• les facteurs de déclenchement,
• l'activité physique,
• l'humeur et l'image renvoyée par la douleur,
• les symptômes physiques généraux.
Sur la base de ces sept domaines, un questionnaire spécifique sur la qualité de la douleur a été développé : l'échelle d'inventaire des symptômes de l'arthrose (OsteoArthritis Symptom Inventory Scale : OASIS). L'étude menée pour l'élaboration du questionnaire OASIS a permis de dégager plusieurs types de douleurs :
• la douleur de fond (elle est toujours là, située de manière diffuse),
• la douleur profonde (elle touche l'articulation, le centre du mal), • la douleur lancinante (brève et intense, elle pénètre brutalement et se retire progressivement avant de ressurgir),
• la "douleur– déchirure " (plus proche de la peau, elle est aigue et réveille la douleur de fond),
• le "choc électrique" (il est soudain, mais moins intense que la "déchirure").
Acceptabilité
Pour définir une stratégie thérapeutique adaptée et personnalisée à chaque patient, il ne s'agit pas de mesurer uniquement l'intensité ou la qualité de la douleur mais aussi son degré d'acceptabilité. Celui-ci dépend de paramètres individuels, propres à chaque individu :
• à quel moment de sa vie l'arthrose survient-elle ?
• quels handicaps entraîne-t-elle ?
• quelles priorités se donne-t-il ?
• jusqu'à quel point sa douleur est-elle acceptable ?
On accepte plus facilement une douleur qui survient ponctuellement après une activité sportive qu'une douleur faible mais constante lorsque l'on
marche (car, après un effort intense, on comprend pourquoi on a mal… et on l'accepte). Par ailleurs, l'acceptabilité n'est pas une question d'âge mais de
comportement. Ainsi, un jeune actif devant son ordinateur n'a pas les mêmes objectifs qu'un retraité passionné d'escalade.
Prise en charge globale
L'acceptabilité de la douleur et de la maladie a un impact réel sur le "moral" du patient. La gonarthrose, comme toutes les maladies chroniques, modifie la vie du patient, ses habitudes et ses perspectives. Son retentissement psychosocial est particulièrement fort. C'est pourquoi il est indispensable de faire passer deux messages :
• Si la gonarthrose ne peut être guérie, la douleur peut être soulagée. C'est là deux réalités différentes : les lésions articulaires ne peuvent être réparées (sauf chirurgie), mais la douleur peut être effacée.
• La prise en charge doit être globale : pharmacologique, physique et psychologique. Ces trois volets sont indispensables et complémentaires : un
médicament seul ne pourra être efficace. La prescription médicamenteuse doit être associée à une prise en charge physique pour retrouver la mobilité. "Plus j'ai mal, moins je bouge – moins j'ai mal, plus je bouge". Ces deux volets doivent être complétés par une approche psychologique qui aidera le patient à mieux appréhender le traitement et les perspectives d'avenir.
Dimension psychologique
Le rôle du médecin est d'aider le patient à construire son programme thérapeutique avec ces trois volets, notamment le volet psychologique : cela oblige à une approche individualisée qui peut faire appel, selon les patients, à un psychologue. Parmi les objectifs du volet psychologique, il faut en retenir deux qui permettent au patient d'accepter son état et la stratégie thérapeutique :
• "Corriger les fausses croyances". L'idée du vieillissement, de l'inéluctabilité, du handicap, de l'intervention chirurgicale, de la chaise roulante, de l'échec de la médecine, sont autant de croyances qui peuvent agir très fortement sur le moral et sur l'acceptation de la stratégie thérapeutique. Elles doivent être abordées et corrigées en fonction de chaque patient.
• "Préparer le patient à vivre avec à l'avenir". Ce qui importe à un patient atteint de maladie chronique comme la gonarthrose, c'est son avenir. Le médecin et/ou le psychologue doivent l'accompagner dans sa
vision du futur : plus on aide le patient à mieux voir son avenir, plus on l'aide à anticiper, à se préparer, plus il se sentira compris et acceptera son état et la stratégie thérapeutique mise en place.
Stratégies personnalisées
Les profils de gonarthrose sont difficiles à définir. Ils tiennent compte des facteurs de risque, de l'activité sportive et professionnelle, des traumatismes subis, des comorbidités, du surpoids, du sexe… A partir de 60 ans, les profils sont très diversifiés et s'attachent plus à l'âge physiologique, au comportement qu'à l'âge civil. Aujourd'hui, la médecine arthrosique tend à une approche de plus en plus personnalisée. Pour chaque patient il convient de définir une prise en charge ciblée qui adapte les considérations physiques et médicamenteuses à sa douleur… et à sa
psychologie.
Poids du psychologique
• Dans le volet physique
La prise en charge doit s'adapter à la forme et aux exigences (sport, activités professionnelles) de chacun en fonction de la représentation précise qu'il a de ses performances et de ses objectifs. Un sportif de quarante ans n'aura pas les mêmes aspirations qu'une retraitée sédentaire de quatre-vingt ans. Il en sera de même pour la prise en charge du surpoids : le suivi d'un régime étant étroitement lié au moral et à la
volonté du patient… C'est important quand on sait que l'on peut définir des stratégies retardant significativement l'aggravation de la gonarthrose. Une personne de 40 ans sédentaire et en surpoids peut gagner une dizaine de d'années dans le ressenti de sa douleur en maigrissant et en faisant des exercices physiques.
• Dans le volet médicamenteux
Chaque patient doit essayer d'évaluer, de comprendre sa douleur afin que le médecin prescripteur fasse le bon arbitrage entre les différents
antalgiques. Des poussées inflammatoires nocturnes nécessitant un "dérouillage" le matin trouveront une réponse dans les
anti-inflammatoires tandis que des douleurs pendant la marche ou une activité sportive nécessiteront un antalgique de palier 1 voire de palier 2. Le problème est celui du sous dosage : trop de personnes ne respectent pas le dosage prescrit et "sous dosent". Peut-être pour montrer qu'ils sont stoïques face à la douleur, qu'ils sont forts ? Peut-être ne supportent-ils pas ou se méfient des solutions chimiques ? C'est une erreur : il faut ne faut pas hésiter à prendre la dose prescrite, au bon moment (mieux vaut anticiper, prévenir la douleur), sous peine de ne pouvoir stopper le cercle vicieux de la douleur.
Centre de la douleur
Dans le cadre du Centre de la douleur, nous développons ce que nous appelons « l'école de l'arthrose ». Nous accueillons des patients en groupe et nous leur faisons partager leur expérience. Ensuite, nous essayons de passer les messages utiles, de les rassurer en corrigeant les fausses croyances qui sont plutôt négatives pour eux. Les gens qui viennent au Centre de la douleur sont des personnes qui acceptent le programme qu'on leur propose, notamment parce qu'ils bloquent sur la stratégie définie : ils ne supportent pas le médicament, n'arrivent pas à gérer, à faire face à l'arthrose… il faut donc une autre approche : mieux comprendre le médicament, le mouvement, comment faire face à la maladie… C'est un apprentissage très important pour certains patients.