Consommation
La « e-cigarette » est aujourd'hui un véritable phénomène de société. Son utilisation ne cesse de se répandre parmi les fumeurs et les non-fumeurs, avec des chiffres progressant d'environ 15% chaque mois, selon les industriels. Il y aurait ainsi aujourd'hui déjà 1,5 million de consommateurs réguliers en France. La publication des données scientifiques et médicales relatives à ce nouveau produit débutent tout juste.
Par ailleurs la réflexion autour de l'e-cigarette ne saurait se limiter à ces seules données médicales et scientifiques. Si le monde de la
pneumologie fait état du manque de données scientifiques à moyen et à long terme sur l'e-cigarette, il convient de ne pas oublier l'hécatombe induite par des décennies de tabagisme. Si rien n'est fait, un milliard de personnes dans le monde mourront du tabac au cours du 21ème siècle. Dès lors, si l'e-cigarette permet un recul sensible du tabac, cela peut certainement être considéré comme un début de victoire. Le marché des cigarettes (83% des ventes totales de tabac) a reculé en volume de plus de 8% (celui du tabac de 7%) au cours des 3 premiers trimestres 2013 par rapport à la même période en 2012. Il avait déjà fléchi de 4,9% en 2012, selon l'Observatoire Français des
Drogues et des Toxicomanies (OFDT). C'est la première fois qu'une telle baisse est notée depuis 2005. L'autre baisse sur laquelle il convient également de réfléchir, est celle des ventes de traitements d'aide à l'arrêt, en recul de 18% les 3 premiers semestres 2013 pour les patchs par rapport à celui de 2012, selon l'OFDT.
Encadrement
Médicament dont la vente doit se limiter à la pharmacie ? Produit de consommation courante ? En Europe, il existe une hétérogénéité forte des prises de position des autorités sur l'e-cigarette. Les Etats membres de l'Union Européenne et la Commission ont toutefois récemment entériné un accord élaboré avec le Parlement européen pour encadrer ce marché. Cette nouvelle réglementation européenne laisse les Etats membres qui veulent assimiler les produits nicotinés à un médicament pourront continuer de les vendre en pharmacie, comme c'est le cas pour les
substituts nicotiniques. Les fabricants peuvent soumettre le produit à une procédure de demande d'autorisation de mise sur le marché. L'e-cigarette si elle n'est pas médicament doit faire l'objet d'une législation spécifique : la vente demeurera interdite aux mineurs. Enfin, le plafond de la concentration de nicotine dans les recharges sera limité à 20 mg par ml, comme le demandait le Parlement européen. La capacité des cartouches sera donc probablement limitée à 2 ml. La Commission européenne devra en outre présenter, deux ans après l'adoption du texte, un rapport sur les risques des e-cigarettes pour la santé.
La directive européenne prévoit également un rapport sur les chiffres de vente des e-cigarettes. J'espère que la France poussera très fortement au recueil des données relatives aux ventes afin de savoir si elles concernent plutôt des fumeurs ou des non-fumeurs. Il est capital de savoir où l'on va, pour adapter notre pilotage. En fonction des données remontées, les mesures à prendre pour ou
contre la e-cigarette pourront être différentes. Si celle-ci est identifiée comme un produit concernant majoritairement des fumeurs désirant sortir du tabac, il faudra savoir rester ouvert.
En revanche, si l'e-cigarette devient, de façon très significative, un produit d'initiation au tabac, il conviendra d'en restreindre fermement l'accès.
XCigarette électronique ou e-cigarette en vidéo
Cigarette électronique Le docteur Philiippe Presles répond aux questions relatives à la cigarette électronique: quels sont ses comosants, est-elle potentiellement dangereuse ? | 2 vidéos |
Toxicité
Les études in vitro sur des cellules comparant la vapeur des e-cigarettes à la fumée de tabac sont sans appel. A court terme, les effets de l'e-cigarette sont clairement et nettement moins toxiques. Mais les études expérimentales chez l'individu sain, fumeur ou non-fumeur (on fait vapoter un sujet puis au bout d'une dizaine de bouffées, on mesure son ressenti, son état cardiaque, sa fonction respiratoire…) montrent bien qu'ils ne sont pas indemnes d'effets aigus, à la fois au niveau cardiaque (avec l'action de la nicotine), que bronchique (une petite obstruction a été statistiquement notée, même si elle n'est pas cliniquement évidente). On a également noté quelques rares cas de complications, dont un cas de
pneumonie lipidique rapporté dans la revue américaine spécialisée en pneumologie Chest. La présence d'un corps gras dans la vapeur d'inhalation a été mise en cause. La pneumonie lipidique a cependant régressé après l'arrêt de l'e-cigarette. Il convient donc bien évidemment d'encourager une forme de "pharmacovigilance" sur l'e-cigarette pour surveiller très étroitement ses effets pulmonaires.
Ce faisant, il faut aussi avoir
conscience que celle-ci demeure probablement un outil potentiellement intéressant pour faciliter le sevrage tabagique. Or, il faut le rappeler, la fumée de tabac tue 73 000 personnes en France par an (200 par jour).
Sevrage tabagique
Pour le sevrage, les médecins ne doivent pas proposer de méthodes non validées. Alors, que peut faire le pneumologue ? Dans le cadre d'un
désir de sevrage, les traitements classiques restent incontournables. Pour autant, aux personnes qui n'arrivent pas supprimer les dernières cigarettes, il est possible de suggérer leur remplacement par des cigarettes électroniques.
L'autre éventualité concerne ceux, assez nombreux, qui fument et vapotent à la fois. Il est ici légitime de les encourager à vapoter plus pour fumer moins, la vraie cigarette entretenant la
dépendance. Il y a enfin l'immense majorité de fumeurs qui n'a pas du tout envie de rompre avec le geste de fumer, et qui passent au vapotage pour fumer autrement, pour "fumer moins dangereux". C'est sur cette population que la e-cigarette peut avoir un impact fantastique, car ce type de fumeur est susceptible d'arrêter de fumer dès l'essai de la e-cigarette. Cela dit, pour que cela fonctionne, il faut que le produit soit attractif, de qualité, il faut que la dose de nicotine soit la bonne dès les premières bouffées, et qu'ils aient plaisir à la consommer. La notion de plaisir est nécessaire au switch du tabac à l'e-cigarette.
E-cigarette ou tabac
L'Europe, dans ses débats, s'est un peu trompée de combat. L'important est de savoir si la cigarette électronique peut être un produit d'entrée dans le tabagisme pour les jeunes. Or, dans la directive, rien ne va dans ce sens, car le débat se situait principalement autour de la toxicité potentielle de l'e-cigarette. En cela, la réponse est déjà claire : oui c'est toxique, ce à quoi il convient d'ajouter, oui, c'est infiniment moins toxique que la cigarette classique. Pour être logique, si l'unique objet de l'Europe se concentre sur de la toxicité de l'e-cigarette, il faut alors interdire sur le champ les cigarettes classiques, puisqu'on sait qu'elles tuent la moitié des fumeurs. L'e-cigarette est clairement un produit de réduction des risques, comparée au tabac.
En revanche, sur la
prévention de l'introduction de l'e-cigarette comme un produit d'initiation, il reste encore beaucoup à apprendre, car les données sont quasi inexistantes. Certes, il y a de plus en plus de jeunes qui essaient ce produit - et sans doute, dans quelques années, 2/3 d'entre eux l'auront essayé - mais parmi eux, l'e-cigarette favorise-t-elle le tabac ou le freine-t-elle ? Les deux hypothèses sont pertinentes...
Référence
Arrêter de fumer et ne pas rechuter, les recommandations de la Haute
Autorité de Santé (HAS) de janvier 2014
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1719733/fr/arreter-de-fumer-et-ne-pas-rechuter