Prévalence
Après 80 ans, 7/10 femmes sont ostéoporotiques et parmi elles 6/10 auront au moins une
fracture. Parmi les chuteurs, la moitié sont des chuteurs multiples, soit environ 15% des plus de 65 ans et plus de 25% des plus de 80 ans. Quant à l'incidence des fractures d'origine ostéoporotique, elle augmente de façon exponentielle à partir de 70 ans pour les fractures vertébrales, et à partir de 80 ans pour les fractures du col du fémur. L'âge moyen des fractures du col du fémur est passé de 73 ans en 1960 à 80 ans actuellement.
Le vieillissement de la population est connu de longue date, mais il mérite d'être souligné puisque depuis 2005, l'arrivée en nombre des baby-boomers à l'âge de la
retraite accentue le phénomène. En 2020, cette tranche de personnes âgées arrivera au stade potentiel de la perte d'autonomie, avec une exposition particulière aux
chutes répétées et au risque accru de fractures.
Chute
"La chute appelle la chute" et "la fracture appelle la fracture" sont deux adages qu'utilisent les soignants en éducation thérapeutique pour valoriser le
poids des
facteurs de risque que sont « les chutes itératives » (répétées) et « les fractures prévalentes » (dominantes). En effet, les personnes âgées, voire leurs aidants, ont trop souvent tendance à banaliser par exemple une
fracture du poignet ou une
fracture vertébrale de découverte systématique à l'occasion d'une perte de taille ou sur un profil de radiographie pulmonaire.
La chute est un facteur de risque de fracture indépendamment de la DMO (densité minérale osseuse) et les recommandations de mars 2012 ont proposé en France d'inclure dans une démarche de prévention les femmes ménopausées à risque significatif de chute, en particulier en cas d'antécédent de chute dans la dernière année (premier facteur de risque de chute incidente).
Il est maintenant admis que devant toute fracture du sujet âgé, il est primordial de rechercher des facteurs de risque de chute, et inversement, devant toute chute il faut rechercher des facteurs de risque d'ostéoporose. Plus l'âge avance, plus le poids des facteurs de risque de chute devient important au côté de ceux de l'ostéoporose.
Ainsi si la fracture prévalente est un signe puissant prédictif de nouvelle fracture, la chute est un signe de fragilité de l'individu. Chute à basse énergie (chute de sa hauteur) et fracture osseuse sont donc deux évènements à ne pas banaliser, qui devraient avoir une forte valeur d'alarme pour déclencher une démarche de prévention conjointe tant au plan osseux que pour le risque de fragilité de l'individu lui-même.
Fragilité
On sait aussi que la fragilité au sens global de l'individu (cinq critères de Fried) est un facteur de risque de chute indépendamment de la DMO (Densité Minérale Osseuse) et que le nombre de chutes et l'évènement d'une
fracture du col du fémur sont indépendants de la DMO.
La population âgée est très hétérogène en termes de comorbidités, d'autonomie fonctionnelle et de niveau nutritionnel. Le « concept de fragilité » actuel permet aux gériatres de discerner les « sujets fragiles » de ceux robustes (55 à 60 % des plus de 75 ans) ou en mauvais état de santé (polypathologiques, souvent dépendants, 10 à 15 % des plus de 75 ans) afin de proposer une stratégie thérapeutique adaptée au
sein du système de santé.
La fragilité peut être considérée comme un « accélérateur du processus de vieillissement », mais en repérant ces sujets fragiles dont la
physiologie est instable (mais réversible) avec des difficultés à faire face à un stress, on peut modifier leur trajectoire de vie vers un état plus stable, voire anticiper des évènements délétères comme une fracture. Le développement des consultations multidisciplinaires « chutes et
troubles de la marche » au sein des filières gériatriques permet de travailler dans ce sens.
Prévention
Les fractures de fragilité, à basse énergie (chutes de sa hauteur), représentent plus de 90 % des fractures après 80 ans. Le hasard et de fausses excuses sont trop souvent mis en avant à l'occasion d'une première fracture. Il faudra souvent attendre la 2ème fracture et/ou la 2ème chute pour engager une démarche active de prévention secondaire.
Ces fractures constituent une complication de l'ostéoporose ; elles sont suivies d'une morbimortalité (facteurs de risques de mortalité d'une pathologie) et d'une potentielle perte d'autonomie plus importantes que chez les personnes plus jeunes.
La prévention des états confusionnels aigus, des désordres hydro-électrolytiques (déséquilibre du corps entre l'eau et les minéraux), de la douleur, d'une thrombose, la correction d'une anémie, la mise en place d'une stratégie nutritionnelle et de réadaptation… sont à prendre en considération conjointement à la correction d'un déficit en
vitamine D avant de choisir un traitement de fond anti-ostéoporotique.
Prise en charge
Pour optimiser la prise en charge du sujet fracturé âgé et fragile, le développement d'une prise en charge globale, interdisciplinaire (orthopédiste, anesthésiste, rhumatologue, kinésithérapeute…) avec des compétences gériatriques est nécessaire.
• thérapeutique médicamenteuse
Chez le patient âgé et fragile, la thérapeutique médicamenteuse est encore trop souvent oubliée, ou indiquée trop tardivement alors que plusieurs études ont démontré en termes de morbi-mortalité que le risque de refracturer était plus important au lendemain de l'évènement fracturaire. Le choix du traitement de fond antiostéoporotique, après correction bien entendu d'un déficit en vitamine D, prend en compte ceux qui ont apporté des données positives chez le sujet âgé, le profil de tolérance et le mode de prise. L'arsenal thérapeutique en une vingtaine d'années s'est considérablement développé, apportant un plus à tous les âges.
• thérapeutique non médicamenteuse
Elle vise à maintenir un état nutritionnel correct et à combattre la sarcopénie (diminution de la masse musculaire), à valoriser une
activité physique après avoir identifié les facteurs de risque de chute. La réduction des facteurs de risque modifiables de la chute est indispensable chez le sujet âgé chuteur, a fortiori fracturé : prise en compte des facteurs de risque intrinsèques (iatrogénie ou effets secondaires de traitements, vision, pathologies neurologiques, rhumatologiques…), extrinsèques (habitat, chaussage) et comportementaux.
Site à consulter : www.grio.org