Quels sont les freins et obstacles quotidiens d'un diabétique ?
Je vais essayer de vous donner une
vision globale et non personnelle de la vie des patients diabétiques. La maladie est un vrai
poids qui pèse sur le quotidien, la difficulté est de comprendre et gérer sa maladie. Elle affecte durablement la qualité et le projet de vie du patient. Il y a une nécessité pour nous d'apprendre le « métier de patient » pour nous permettre de mieux vivre notre vie de citoyens. C'est vrai pour beaucoup de maladies chroniques. Dans le cas du diabète, les obstacles et les freins résident dans une hygiène de vie vécue comme une obligation, la contrainte quotidienne d'opérer des soins et des actes médicaux, comme les
piqûres à l'insuline ou les tests répétitifs de la
glycémie. Il est nécessaire d'avoir une attention permanente à l'équilibre de sa maladie, ce qui est lourd à gérer pour le patient.
Quelles sont les caractéristiques du diabète et des autres maladies chroniques ?
Ce qui caractérise le diabète et le différencie des autres maladies chroniques est l'obligation pour les patients d'être autonomes, de pratiquer des actes médicaux au quotidien et d'acquérir une vraie proactivité. Il doit devenir l'acteur de sa santé. Il y a donc une vraie nécessité pour les professionnels et autres, d'accompagner le patient, pour l'aider à mieux comprendre sa maladie et lui apprendre à tester et suivre lui-même sa glycémie. Le plus grand facteur des complications du diabète est la passivité du patient ce qui peut se traduire par de l'inobservance.
Comment un diabétique vit-il la surveillance glycémique par piqûre ?
Je commence à être un « vieux diabétique » après 30 ans de diabète de type 1 et j'ai connu les bandelettes avec la
goutte de
sang qu'il fallait essuyer. La surveillance par piqûre implique tout un processus qu'il faut répéter plusieurs fois par jour. C'est un acte invasif et intrusif qui peut être douloureux malgré les progrès. On a tous développé des petites techniques pour aller plus vite ou avoir moins mal au long terme. Il n'empêche qu'avant chaque repas ou au cours de la journée, il faut ouvrir son lecteur, sortir une bandelette, s'isoler, se piquer, attendre le résultat… La répétition de l'acte est gênante et aucun patient ne plaidera
contre un accès simplifié et plus facile à son taux de glycémie.
Dans les 25 dernières années, en revanche, il y a eu une véritable évolution dans la prise d'autonomie du patient et dans la fiabilité des systèmes de surveillance existants. Cependant, les systèmes restent toujours invasifs. Lorsqu'on pose la question à un diabétique, la réponse demeure que la
lecture de la glycémie est toujours liée à un prélèvement de sang au bout du doigt. Avec 5 à 6 actes par jour, ce système contraignant finit par lasser et parfois faire mal aux doigts.
Que pensez-vous de l'auto surveillance glycémique ?
Les patients souhaiteraient donc aujourd'hui connaitre leur glycémie de façon différente que par la piqûre. Le souhait qu'attendent également les patients est la possibilité d'avoir facilement accès à la lecture glycémique, à toute heure du jour ou de la nuit. Il est donc formidable d'avoir des dispositifs médicaux les moins invasifs possibles avec lesquels on peut avoir en permanence accès aux données glycémiques. Les patients portent un petit capteur constamment sur leur
bras et peuvent regarder leur taux de
glucose par un lecteur autant de fois qu'ils le souhaitent, sans avoir à sortir tout leur matériel. Le lecteur fournit le profil de variabilité du glucose par journée.
Qu'apporte la technologie dans la qualité de vie du diabétique ?
Il faut que l'innovation amène une amélioration de la qualité de vie du patient, ce doit être une innovation humaniste. Il est nécessaire qu'elle permette au patient de mieux vivre sa vie. Il ne faut donc pas que ces nouvelles technologies ajoutent des contraintes dans la vie des patients et deviennent des instruments de surveillance de
comportement. Je ne suis pas contre une évaluation du suivi, mais cette évaluation doit se faire avec le prescripteur et non le payeur. Ces nouvelles technologies doivent permettre au patient de mieux comprendre sa maladie et se soigner. Elles doivent permettre l'expression de l'expertise profane du patient.
Quelles sont les priorités de l'Association française des diabétiques ?
(AFD) est l'amélioration de la prise en charge des patients et de tous les types de diabète. Aujourd'hui, on n'a par exemple pas encore optimisé la prise en charge du diabète de type 2. On voit encore trop de patients qui ne sont pas correctement pris en charge par leur
médecin traitant et qui ne comprennent pas suffisamment bien leur maladie. Nous avons donc ici un rôle à jouer (voir étude Dawn 2, enquête internationale sur le vécu du diabète au quotidien). Pour les patients insulino-traités, il existe des moyens modernes de communication thérapeutique qui peuvent améliorer le dialogue entre le patient et son médecin et ainsi optimiser la prise en charge et la compréhension de la maladie par le patient, sans pour autant être obligé d'aller à l'hôpital.
L'association a ainsi un rôle à jouer dans sa force de proposition pour essayer de faire évoluer le système de santé en s'appuyant sur les nouvelles technologies et le numérique. L'association n'a pas à changer le système de prise en charge mais peut réfléchir au parcours de santé. L'amélioration de la qualité de vie du patient doit rentrer dans son parcours de santé. Il est important de s'interroger sur les actes ou dispositifs remboursables pour obtenir cette amélioration et participation du patient. En tant qu'association responsable, nous devons être en capacité de faire des propositions afin que l'innovation puisse être accessible à ceux qui en ont besoin dans un système solidaire.