Multiples sensations et chaos
Votre psychisme reçoit de multiples sensations, des perceptions de plaisir et de déplaisir qu’il doit transformer. Il est assailli de l’intérieur par les angoisses, la détresse, la violence du manque, la
frustration des pulsions insatisfaites et, de l’extérieur, par toutes les situations de souffrance et d’humiliation. Si la confiance en vous n’est pas assez solide, cela peut provoquer une immense violence. Il suffit d’allumer la télévision ou de lire un journal pour constater que nous sommes tous concernés par la souffrance et la violence humaines.
Humiliation menant à la violence
L’humiliation est source de violence. C’est un ressenti subjectif, pas toujours conscient. Je crois que les dérives financières de certains hommes politiques sont humiliantes pour les citoyens que nous sommes – elles expriment un profond mépris pour les difficultés de vie des chômeurs ou de nombreux salariés qui peinent en fin de mois. Je crois que maintenir un élève au collège alors qu’il ne sait pas lire, par manque de place dans un autre établissement ou par manque de filières adaptées, est une forme d’humiliation grave, etc. Chaque personne qui ne vous « voit » pas vous humilie un peu. Il est nécessaire d’apprendre à le supporter sans en être détruit. Pour cela, il ne sert à rien de « se venger » en humiliant quelqu’un d’autre. C’est parfois un réflexe, et c’est toujours un engrenage. L’humiliation est un ressenti en résonance avec la qualité et la solidité du narcissisme.
Protéger son élan vital
Vous avez, en vous, une énergie fondamentale, que je me représente comme la boule de feu au centre de la Terre. Une « violence fondamentale », selon l’expression du psychanalyste Jean Bergeret, que j’appellerai l’élan vital et qui n’est ni positif ni négatif. Cet élan se transforme ou non en action violente selon l’environnement, l’éducation, la souffrance ressentie et la capacité du psychisme à la contenir et à l’orienter. Une bonne agressivité est nécessaire à la construction de votre vie et au déploiement de vos potentiels, et si l’expression de la colère est parfois juste (ne serait-ce que pour ne pas retourner la violence
contre soi), il s’agit encore d’un
équilibre délicat. Ne pas agresser les autres, ne pas s’agresser soi-même, ne pas subir sans rien dire.
Mais il me semble que nous avons souvent
peur de cette énergie et que, pour beaucoup d’entre nous, nous tentons de l’étouffer (antidépresseurs, télé à haute dose, etc.) au lieu de la laisser s’exprimer – se sublimer, dirait Freud – dans des voies de curiosité et de création. Les conséquences sociales et individuelles de cet étouffement sont graves et tout particulièrement pour les jeunes. Vous avez besoin d’exprimer votre élan vital, vous avez besoin de créer, quelles que
soient vos formes d’expression. N’en ayez pas peur (vous n’allez pas pour autant sortir avec un revolver et tirer sur les passants !). (Je ne frappe pas mon chat quand il m’énerve, mais je continue à l’engueuler quand il est dans mes jambes).
Canaliser sa violence
Reconnaître sa propre violence permet de la canaliser et évite les passages à l’acte. Voilà donc l’une des fonctions essentielles du psychisme : ne pas expulser la violence, mais la transformer en énergie canalisable au service de la réalisation de vos propres potentiels. Grandir et devenir adulte, c’est prendre
conscience de ce que Jung nomme joliment « notre ombre ». Nous sommes, selon notre âge (et de plus en plus en vieillissant), responsables de l’ensemble de nos actes, conscients et inconscients. C’est cela, je crois, notre travail d’humain, notre individuation.