Prévalence
L'allergie alimentaire est une pathologie fréquente dans les pays développés et l'allergie à l'œuf semble être avec le lait une des plus souvent incriminées. Elle est un marqueur net d'un terrain atopique, et signifie le risque de développer des sensibilisations aux aéroallergènes à partir de 3 ans. La prévalence à 30 mois a été estimée à 1,6% et l'incidence cumulée à ce même âge à 2,6%. Pour Sicherer, l'allergie à l'oeuf est présente chez 1,3% des jeunes enfants.
Eviction
Le régime d'éviction a longtemps été le traitement de cette allergie. Ce régime est difficile à mettre en place et entraîne de nombreuses évictions alimentaires, surtout s'il comporte une éviction complète de l'oeuf sous toutes ses formes. La guérison spontanée survient le plus souvent à l'âge scolaire, mais l'allergie peut persister selon certaines études jusqu'à 34% des cas après 16 ans. Par ailleurs, si certains enfants tolèrent l'ingestion d'oeuf cuit alors qu'ils réagissent à l'ingestion d'œuf cru, d'autres réagissent à l'ingestion de l'oeuf quelle que soit la forme.
Réintroduction alimentaire
La réintroduction alimentaire, quand elle est possible, constitue une étape importante dans la prise en charge de ces enfants. Son principal objectif est d'obtenir une tolérance, au moins partielle, pour limiter les risques de réaction sévère lors d'une éventuelle exposition accidentelle. A ce titre, Il faut différencier la désensibilisation, qui permet l'ingestion d'une certaine quantité d'un aliment donné mais qui nécessite l'ingestion régulière de cet aliment, de la tolérance qui est l'absence de réaction à l'ingestion d'un aliment même après un arrêt de son ingestion régulière.
Protocole de tolérance alimentaire
Depuis plusieurs années des études sont en faveur de la mise en place d'un protocole de tolérance alimentaire afin de modifier le seuil réactogène du malade ou de le supprimer pour obtenir une guérison définitive :
• Où
La mise en place de l'induction de tolérance a lieu à l'hôpital après la réalisation d'un Test de Provocation Orale ( TPO) qui permet de déterminer la dose réactogène pour l'enfant à traiter, et de proposer un protocole individualisé selon cette dose. Au cours de cette hospitalisation, une séance d'éducation thérapeutique est faite au lit du malade pour vérifier la trousse d'urgence, et apprendre à utiliser l'adrénaline autoi-injectable. En outre, on s'assure de la bonne compréhension par les parents et par l'enfant de l'utilité d'un tel protocole, et de sa réalisation concrète. Un protocole d'induction de tolérance par voie orale est donc remis aux parents. La montée des doses puis le maintien de la dose choisie seront faits au domicile de l'enfant. Il est préconisé de la faire au retour de l'école ou en fin d'après-midi afin que les parents puissent surveiller l'enfant pendant 1 à 2 heures. Il ne doit pas y avoir d'activité sportive après la prise alimentaire. Les possibles facteurs aggravants tels que fièvre, prise d'anti-inflammatoire non stéroïdiens, virose, sont expliqués à la famille afin qu'elle diminue voire stoppe brièvement l'immunothérapie orale (ITO).
• Pour qui
L'induction de tolérance orale n'est débutée qu'après réalisation préalable d'un test de provocation par voie orale (TPO) à l'oeuf, afin de déterminer la dose réactogène et la gravité de cette réaction. Elle sera proposée pour des enfants âgés le plus souvent de plus de 4 ans ayant eu une réaction clinique lors du TPO à l'oeuf cuit ou bien peu de réaction, ou une réaction modérée au Test de provocation orale avec de l'oeuf cuit industriellement (TPO madeleine), pour ceux qui présentent une allergie particulièrement sévère.
• Comment
En fonction de la dose réactogène, l'équipe de Toulouse propose de débuter l'Induction de Tolérance Orale (ITO) au 1/10ème, voire au 1/5ème de la dose réactogène. Elle débute à 1 gr si possible, et propose aux familles d'augmenter progressivement la dose d'1 gr par mois selon la tolérance de l'enfant. La progression s'arrête à la moitié de la dose réactogène. Pour cela il est remis à la famille un tableau d'équivalence de dose entre les aliments contenant de l'oeuf afin que l'enfant ne se lasse pas de ce traitement et puisse prendre tous les jours la quantité d'oeuf prescrite. Sont répertoriés dans ce tableau divers aliments du commerce (gâteaux industriels, gaufres, madeleines, barres chocolatées, ainsi que différentes sortes de pâtes) et leurs teneurs respectives en oeuf. Naturellement, la diététicienne a un rôle très important pour expliquer aux parents toutes les astuces et les techniques qui permettent une ingestion régulière de l'oeuf. Enfin, un nouveau Test de Provocation Orale est programmé après 6 à 8 mois d'ITO. Ce TPO se fera avec de l'oeuf dur et si possible jusqu'à la dose de 28 gr qui correspond à la moitié d'un oeuf dur.
Efficacité du protocole
Des études récentes de la littérature ont montré une efficacité de ces protocoles avec au moins acquisition d'une désensibilisation. Trois études de la meta-analyse de Sporick dont 1 avec l'oeuf ont comparé exclusion et ITO après TPO en double aveugle. Le résultat était nettement favorable à l'immunothérapie. Une récente étude de Burks concernant une ITO avec de la poudre d'oeuf a montré :
- après 22 mois de traitement, 75% du groupe actif est désensibilisé
contre 0% du groupe contrôle,
- après 24, 30 et 36 mois, 27% des enfants n'ont plus de réaction et ont un régime normal.
Conclusion
Au total, si l'ITO ne permet pas obligatoirement l'acquisition d'une tolérance à l'oeuf, elle permet le plus souvent l'acquisition d'une désensibilisation à l'oeuf, et par là même, une amélioration notable de la qualité de vie de nos petits patients.