De l'éviction à la tolérance
L'omniprésence de cette légumineuse, la difficulté de réalisation d'un régime d'éviction efficace, les répercussions importantes sur la qualité de vie, et sa responsabilité dans les réactions anaphylactiques sévères, confirment la nécessité du recours à la tolérance orale à l'arachide. En allergie alimentaire, l'induction d'une tolérance aux aliments par
ImmunoThérapie Orale (ITO) fait l'objet d'un intérêt croissant en raison de l'augmentation de la prévalence des allergies alimentaires et des résultats peu satisfaisants des régimes d'éviction. Les récentes publications décrivent des protocoles d'induction de tolérance orale à de nombreux aliments comme le lait, l'oeuf, l'arachide, ainsi que quelques-uns aux fruits à coque.
Protocole de tolérance
La mise en place d'une Immuno Thérapie Orale (ITO) permet de proposer une alternative thérapeutique au régime d'éviction, en faveur d'une bonne évolution clinique, sociale, et psychologique.
• Pour qui
La mise en place d'un protocole de tolérance à l'arachide s'adresse aux enfants et aux adultes dont l'allergie est persistante et prouvée par Test de Provocation par voie Orale (TPO). Compte tenu des contraintes imposées par le protocole, le patient doit être informé et motivé, ce qui est souvent le cas devant la gravité de la symptomatologie, l'omniprésence et la grande variété des produits contenant de l'arachide. Toutefois, l'induction de tolérance reste une pratique à risque qui doit être menée par des équipes expérimentées et ne s'adresse qu'à des patients informés. L'immunothérapie peut être démarrée très tôt car elle donne de meilleurs résultats chez les jeunes enfants. Pour l'arachide, elle sera débutée en général après le lait et l'oeuf, donc à partir de 4 ans. L' Immuno Thérapie Orale (ITO) sera cependant réservée aux enfants ayant un
asthme équilibré et indemne de
choc anaphylactique.
• Comment
La voie orale sera préférée à la voie sous-cutanée, abandonnée en raison de sa dangerosité. La voie épicutanée étudiée par l'équipe parisienne du professeur Dupont est en attente de résultat final chez l'enfant. La voie sublinguale a été décrite. Ses résultats semblent éphémères, cependant elle peut constituer la première phase d'une induction de tolérance avant la phase orale. Deux méthodes ont été évaluées : le rush qui apporte des résultats instables, à haut risque anaphylactique, sera déconseillé au profit d'une méthode plus lente mais plus sûre. Sur un plan pratique, l'ITO est mise en place après la détermination du seuil de réactivité par TPO en milieu hospitalier, de préférence en double aveugle
contre placebo.
Une première phase dite phase d'induction (ou phase d'escalade) permet d'atteindre une dose optimale et peut durer plusieurs mois. La dose d'induction est variable selon les équipes de 1/100ème à 1/10ème de la dose réactogène. Dans l'expérience lilloise, l'escalade est personnalisée : la dose d'induction commence au 1/10ème de la dose réactogène, augmente de façon progressive à domicile pendant 6 mois sans jamais dépasser la dose réactogène déterminée lors du TPO, ce qui permet de garantir une sécurité même pour les patients les plus sévères. Un TPO est à nouveau réalisé en milieu hospitalier à 6 mois pour réévaluer le seuil de réactivité et adapter le protocole. Les résultats sont éloquents : 98,5 % des patients sont améliorés, dont 65 % d'entre eux ont doublé leur seuil réactogène entre les deux TPO de façon significative, avec un score de sévérité significativement diminué lors du deuxième TPO. L'équipe du Pr Moneret-Vautrin a, quant à elle, obtenu un résultat de 92 % d'efficacité globale avec une escalade standardisée de 10 mg à 4000 mg sur 17 à 34 semaines, selon la sévérité clinique initiale.
La deuxième phase est une phase de maintien dont le but est de maintenir l'acquisition de la « tolérance ». Elle peut durer de quelques mois à quelques années, et l'objectif à atteindre est une tolérance persistant après l'arrêt de la phase de maintien. Si une tolérance totale ne peut être réalisée, on essaie d'obtenir une diminution de la réactivité par une désensibilisation qui nécessite, elle, l'entretien de la protection par une consommation régulière de l'aliment.
XTraitement de l'allergie à l'arachide en vidéo
Allergie à l'arachide : un espoir Le docteur Pierrick Hordé parle des bénéfices de la désensibilisation mise au point récemment par des chercheurs anglais. | 1 vidéos |
Produits d'arachide utilisés
Les protocoles de tolérance à l'arachide sont réalisés avec de l'arachide mixée, que l'on trouve facilement dans le commerce. Certaines équipes, à l'initiative de celle de Saint-Vincent de Paul à Lille ont pris le parti d'utiliser des produits industriels afin d'être au plus proche de la réalité.
Précautions
Hormis les précautions inhérentes au Test de Provocation par voie Orale (TPO), le patient doit être informé et adhérer à un ensemble de bonnes conduites à respecter à domicile lors de la prise du protocole. Les réactions surviennent essentiellement lorsqu'il y a des facteurs favorisant associés : maladie infectieuse, médications à l'origine d'une rupture de tolérance (anti-inflammatoires, certains antibiotiques, certains antalgiques), alcool, effort physique intense (4 heures),
stress intense, pic pollinique exceptionnel pour les allergiques aux pollens, températures extrêmes : chaleur intense (sauna, exposition solaire prolongée) et froid intense, états inflammatoires de la cavité buccale, menstruations, anti-reflux, inhibiteur de la pompe à protons.
Difficultés
Un syndrome oral absent lors du TPO initial est souvent constaté à domicile, ce qui diminue l'observance. Dans l'étude lilloise, 35,8 % des patients ont présenté des effets secondaires minimes lors de l'acquisition de la tolérance orale et 36,8 à 53,1 % dans l'étude du Professeur Moneret-Vautrin. Le dégoût pour l'aliment est également une des principales difficultés rencontrées lors des protocoles de tolérance, ainsi que la lassitude, source de démotivation et les erreurs techniques (gobage, encapsulage…).
Autres paramètres
En conclusion, la mise en place d'un protocole d'induction de tolérance orale à l'arachide est désormais possible car de nombreux paramètres sont aujourd'hui maitrisés : conduite à tenir, facteurs favorisants, suivi du patients. Mais d'autres paramètres sont encore inconnus, notamment le devenir de ces patients à long terme, et le temps nécessaire pour arriver à une tolérance. De même la question reste posée en cas d'allergie croisée avec une autre légumineuse ou un fruit à coque. La mise en place d'une induction de tolérance orale doit être menée par des équipes expérimentées, et nécessite une complète adhésion du patient. Afin d'obtenir la meilleure observance, la mise en place de l'induction de tolérance doit être accompagnée d'une éducation thérapeutique adaptée et performante.