Dépendance à l'alcool
En France, 3% de personnes adultes sont dépendantes à l'alcool, soit 2 millions de personnes. Deuxième cause de mortalité évitable en France après le tabac, la dépendance à l'alcool est une maladie chronique provoquant près de 50 000 décès par an. Parmi les causes de ces décès liés à l'alcool, l'Institut Gustave Roussy cite en particulier le cancer, les maladies circulatoires et du système digestif, les atteintes du
système nerveux central mais aussi les causes dites externes, comme les accidents de la route. Avec plus d'un million d'hospitalisations par an, la dépendance à l'alcool est la première cause médicale d'hospitalisations en France.
Pour autant, dans un pays où la consommation d'alcool est traditionnellement élevée, les risques liés à l'alcool sont bien souvent sous-estimés. De nombreuses personnes en surconsommation d'alcool ne se considèrent pas comme ayant un
comportement à risque. D'après un rapport publié en 2012 par l'IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé), 33,6% des personnes de 16 à 39 ans sont exposées à un risque ponctuel lié à l'alcool et 5,2% à un risque « chronique ou de dépendance ».
Les troubles liés à l'usage de l'alcool représentent également les coûts les plus importants des maladies du
système nerveux central. En Europe, responsable de 18 % des décès prématurés chez les 35-64 ans, le coût induit par l'alcool sur l'économie est estimé à 5% du PIB, selon un rapport parlementaire de 2012.
Boire trop c'est combien ?
Plus d'un homme sur quatre et une femme sur sept boivent au-delà des seuils recommandés : 2 verres standard par jour pour les femmes et 3 verres standard par jour pour les hommes, en moyenne. Les personnes qui boivent de façon excessive ne sont pas nécessairement « dépendantes » à l'alcool, mais pour de nombreuses raisons, elles ont pris l'habitude d'en consommer régulièrement ou ponctuellement en très grande quantité. Cette consommation présente des effets à court et long terme comme l'anxiété, les maladies du
foie et de l'estomac (ulcère, cirrhose, cancer), l'agressivité, les dommages cérébraux, etc.
Test Audit C
Mis au point par l'Organisation mondiale de la santé en 1990, cet instrument simple permet de repérer les sujets à forte probabilité d'avoir des problèmes d'alcool : abus ou consommation excessive d'une part, et dépendance d'autre part. Il est accessible en ligne pour les professionnels de santé ou les particuliers : http://www.sante.public.lu/fr/rester-bonne-sante/030-alcool-dependances/test-audit.pdf
Exclusion
La dépendance à l'alcool est généralement accompagnée de conséquences sociales sévères. Elle est souvent considérée à tort comme une « faiblesse » du patient et non comme une maladie en tant que telle. La dépendance à l'alcool est donc généralement condamnée par l'entourage du patient et entraîne une exclusion sociale, familiale et professionnelle. Les personnes en surconsommation d'alcool se retrouvent alors facilement en situation de précarité et d'exclusion.
Prise en charge
En France, 92% des personnes dépendantes à l'alcool ou sujettes à des abus ne sont pas prises en charge. Aujourd'hui, le manque d'alternatives adaptées dans le traitement de la dépendance à l'alcool a un effet négatif sur le taux de prise en charge des patients.
Les patients dépendants sont traditionnellement dirigés vers l'abstinence totale, particulièrement difficile à atteindre, puisqu'après traitement, seulement un tiers des patients reste abstinent à un an et 10 à 20% au bout de 4 ans. Bien que sans doute la voie la plus sûre, il s'agit d'une offre de soin souvent difficile à accepter. Par conséquent, les patients dépendants qui ne se reconnaissent pas dans cette option ne se tournent pas vers les professionnels de santé pour entrer dans une démarche de prise en charge.
Maladie neurobiologique
La dépendance à l'alcool est une maladie chronique affectant principalement le cerveau, pouvant engager le pronostic vital du patient. La dépendance à l'alcool se caractérise d'abord par une perte de contrôle de la consommation liée à un déséquilibre des circuits cérébraux de la récompense, de motivation et de prise de décision. Cela conduit le patient à poursuivre sa consommation d'alcool, même s'il est conscient des dangers encourus. Avec le temps, le besoin de calmer son mal-être prend l'ascendant.
Maladie neurobiologique
Ce qu'on appelle le système de récompense a été façonné par sélection naturelle au cours de l'évolution afin de favoriser les comportements apportant des avantages décisifs à la survie des
gènes : reproduction et recherche de nourriture. Chez Homo Sapiens, animal dont d'une part la valeur adaptative ajoutée est un très haut niveau de collaboration sociale, dont d'autre part le petit est longtemps vulnérable et dépendant de ses parents à la naissance, les relations sociales positives et l'attachement à l'enfant sont deux autres comportements naturellement renforcés par le système de récompense. Certaines
drogues ont le pouvoir de stimuler le système de récompense, sans pour autant apporter d'avantage durable en termes de reproduction, de nourriture, ou de relation sociale. Le système de récompense est en quelque sorte piraté par les drogues, comme l'alcool. Au fur et à mesure, le besoin de consommer devient plus important, et finit par devenir incontrôlable.
Patient au centre de la thérapie
Nous nous efforçons de placer le patient au centre de la thérapie. Dans cet esprit, il n'est pas souhaitable de lui imposer un objectif qu'il n'est pas disposé à poursuivre. En ce sens, le développement de l'offre de soins vers de nouveaux objectifs est une réelle avancée. Elle devrait permettre de lever des obstacles à la demande de soins.
Médecin généraliste
L'addiction à l'alcool étant une maladie chronique récidivante, elle nécessite un suivi sur le long terme que le médecin généraliste peut assurer. Doter les médecins généralistes de solutions adaptées à la situation de leurs patients dépendants à l'alcool est donc une priorité. Les recommandations de la Société française d'alcoologie (SFA) tiennent parfois en quelques principes très faciles à mettre en place. Par exemple, la tenue d'un agenda, comme outil de suivi de la consommation d'alcool journalière, à lui seul a un effet majeur sur la réduction de la consommation.
Lorsque le suivi s'avère plus complexe, le médecin généraliste peut choisir de faire appel à un addictologue qui pourra aider le patient et reprendre la
main sur le traitement. Le site de la Société française d'alcoologie permet facilement de trouver les structures d'addictologie adaptées à la situation dans chaque région : http://www.sfalcoologie.asso.fr/page.php?choix=annuaire
Réduire sa consommation
Une démarche de prise en charge ne nécessite pas toujours un sevrage total et maintenu. Une réduction de la consommation d'alcool représente aujourd'hui une alternative à l'abstinence. Commercialisé sous le nom de Selincro®, le nalmefène est une
molécule qui agit directement sur le système opioïde endogène qui régule le circuit de la récompense dérégulé en cas de dépendance à l'alcool. Il permet au patient de réduire en moyenne sa consommation d'alcool de 50% (exprimée en jours de forte consommation et en quantité totale d'alcool ingérée). Selincro® s'adresse aux patients, dont la consommation d'alcool est à risque élevé ou très élevé (+ de 6 verres/jour pour un homme et + de 4 pour une femme), qui font le choix d'entrer dans une démarche de prise en charge mais ne nécessitent pas un sevrage total et maintenu.
Selincro® est commercialisé au prix de 3,60 euros par comprimé. Du fait de la prise moyenne d'un comprimé un jour sur deux constatée lors des études cliniques, le coût journalier est de 1,80 euros, remboursé par l'assurance maladie.