Qu'est ce que la mémoire ?
La mémoire est une fonction mentale complexe qui permet d'enregistrer,
stocker et récupérer (rappeler) des informations très diverses
(souvenirs, connaissances générales, procédures à maitriser…). On peut
de nos jours étudier à la fois les performances mnésiques (troubles ou
bonnes performances), et le fonctionnement du cerveau.
Comment fonctionne la mémorisation par le cerveau ?
La mémorisation fait l'objet de beaucoup d'études. Par des études sur
les maladies, les lésions du cerveau, on déduit l'implication de
certaines régions du cerveau dans les processus mnésiques. Ainsi, à
partir d'une
opération du cerveau dans un cas d'une
épilepsie grave qui
touchait les lobes temporaux (le patient H. M., décédé récemment), on a
pu déduire l'importance de l'hippocampe dans la mémorisation.
On
utilise des techniques d'imagerie cérébrale chez les sujets sains et
malades, montrant l'implication dans l'activité de mémorisation :
- de l'hippocampe (structure clé dans différents processus mnésiques)
- de réseaux responsables des opérations d'encodage (régions frontales et hippocampe),
-
des réseaux responsables des opérations qui ont lieu pendant la phase
de consolidation (différentes parties du cortex cérébral),
- des régions cérébrales responsables de la récupération en mémoire (hippocampe et cortex frontal).
Il n'y a pas qu'une seule région du cerveau impliquée, mais des réseaux très étendus impliquant différentes régions du cerveau.
Y a-t-il une évolution dans la mémoire de l'homme ?
On n'a pas de raison de penser que la structure génétique de l'homme se soit modifiée depuis l'homo sapiens de la préhistoire. Mais la mémoire humaine est liée à une relation au monde extérieur et à des supports de mémoire extérieure. Quand il n'y avait pas d'écrit mais seulement le langage, une forte tradition orale se transmettait, et donc la mémorisation, par les personnes compétentes, sans support extérieur. Il y a 5000 ans et longtemps après, l'écriture était réservée à des érudits ou à des personnes spécialisées. Depuis quelques centaines d'années, l'imprimerie a permis de mettre sur papier l'information conservée par ailleurs dans des bibliothèques. Maintenant, l'ordinateur permet d'avoir accès à une somme considérable d'informations via internet.
Le type d'information étant différent selon les époques, le besoin de mémoriser est différent ; ceci exerce une influence sur le cerveau qui s'adapte à une nouvelle donne.
Certains y voient un recul, d'autres une avancée par l'accès à beaucoup d'informations. Le débat est intéressant et concerne la façon d'utiliser ces informations de façon efficace et rationnelle pour les synthétiser. L'important pour l'individu est de s'approprier les informations.
Quels sont les différents niveaux de mémoire ?
Il existe plusieurs systèmes de mémoire pour lesquels les régions du cerveau sont impliquées différemment :
-
La mémoire procédurale (ou mémoire des habitudes, formées au fil du
temps). Chez l'homme, cela correspond à des apprentissages plus ou moins
complexes (vélo, ski, piano…).
- La mémoire perceptive (visage,
pays, rue…) : Au contact avec des informations perçues antérieurement,
le cerveau les traite plus vite car elles s'imposent comme une image
familière.
Ces deux systèmes de mémoire sont déjà performants
chez les animaux (même ceux qui sont peu évolués) et le petit enfant.
Sur ces bases vont évoluer des formes plus complexes :
- la
mémoire du travail (ou à court terme), qui permet de rassembler
l'information dans le présent pour une tâche particulière, ou mobiliser
des ressources attentionnelles pour une tâche particulière,
- la
mémoire sémantique qui permet de former des connaissances générales sur
le monde (ex : Paris, capitale de la France), ou sur soi-même (ex : je
suis professeur).
- La mémoire épisodique (la mémoire des souvenirs ;
samedi, j'ai fait telle activité). La mémoire épisodique donne
l'impression de revivre l'évènement. Elle permet aussi d'envisager le
futur (projection vers le futur).
A-t-on un capital mémoire à la naissance ?
La mémoire est bien sûr fondée sur un capital génétique. Un homme a une
capacité mnésique qui est propre à cette espèce, mais l'environnement
influe beaucoup sur les capacités mnésiques… La mémoire est plurielle en
fonction des intérêts de chacun qui développe certaines compétences
(ornithologie, peinture...). Il est donc difficile de différencier
l'aspect des intérêts et des compétences.
Qu'est ce qui est différent chez ceux qui ont une mémoire absolue comme Mozart ou Bobby Fischer ?
Les génies sont bien sûr une exception. Le génie de Mozart a été aussi
façonné par son éducation, notamment par son père. Les travaux effectués
sur les grands champions d'échecs montrent qu'ils ont une mémoire
particulière qui leur permet de mémoriser en quelques secondes et
simultanément un grand nombre de jeux d'échecs, et de jouer sur
plusieurs jeux en même temps. Pour eux, la configuration de l'échiquier a
du sens. Leur mémoire est spécifique à un domaine particulier.
Chez
certains autistes, la performance mnésique est exceptionnelle dans des
domaines spécialisés, , mais elle est normale ou limitée par ailleurs.
Les capacités de mémoire sont-elles héréditaires ?
Sauf en cas de maladie particulière, la mémoire est une aventure
culturelle, une interaction avec l'environnement. Elle se façonne, se
cultive tout au long de la vie d'un individu, en lien avec ses
interactions sociales.
Quelle est la part de la volonté dans la mémorisation ?
La mémorisation dépend du type d'information à retenir. On retient
certaines informations de façon automatique, sans prêter attention.
D'autres informations demandent un travail plus complexe
d'organisation, de planification. Les fonctions exécutives permettent à
la mémoire de se développer chez les enfants. Les personnes qui
vieillissent connaissent au contraire un déficit de ces fonctions.
Est-ce que les jeux d'observation/mémorisation aident à améliorer sa mémoire ?
Il faut prendre ces jeux d'observation/mémorisation comme des jeux de
cartes ou autres, c'est-à-dire une activité de loisir comme une autre.
Ils n'ont pas d'autre vertu que le jeu lui-même, l'instrument n'évite
pas les problèmes de mémorisation. Cependant, ces jeux de mémorisation
sont plus intéressants s'ils sont pratiqués avec une autre personne.
Quelle est la part de la sensation (odeur, toucher, son…) dans la mémorisation ?
La mémoire s'appuie sur des canaux sensoriels avec des différences
individuelles dont on ne connait pas la source (sensation visuelle,
auditive ou olfactive). Les odeurs, les goûts ont été décrits par les
romanciers. Il y a des raisons anatomiques car les régions du cerveau
impliquées dans ces modalités sensorielles (olfaction, gustation) sont
en prise directe sur le système limbique (hippocampe).
Un
souvenir est un ensemble de représentations sensorielles qui vont
s'activer. Il y a donc un aspect multi-sensoriel dans le souvenir.
Le stress/l'émotivité perturbent-t-ils la mémoire ?
Les liens entre l'émotion et la mémorisation sont complexes. Un peu d'émotion ou de stress facilite la mémorisation.
Si l'information est ennuyeuse, la mémorisation est au contraire limitée.
Si
l'information est violente, les mécanismes du cerveau connaissent une
production d'endorphines qui perturbent le fonctionnement de la mémoire
et le travail de synthèse de la mémorisation. Certains éléments de la
scène vécue sont oubliés, d'autres restent présents. Si le souvenir
traumatique s'impose, on revoit l'image, on revit dans le présent la
perturbation.
A-t-on inconsciemment une mémoire sélective (de ce qui nous plaît, nous intéresse, nous perturbe..) ?
Deux personnes qui vivent une scène identique auront une mémorisation
différente selon les intérêts de chacun. La mémoire est très sélective
en rapport avec les intérêts du sujet et avec ses projets. Il y a une
certaine déformation de la réalité pour se mettre en accord avec les
intérêts du sujet. Mais le cerveau doit être capable de contrôler pour
que les souvenirs soient vrais, même s'ils sont transformés au cours des
processus de mémorisation.
Une bonne hygiène de santé en général (alimentation, sport, sommeil…) contribue-t-elle à la mémoire ?
Pour avoir une bonne mémoire, il faut respecter les principes d'une
bonne hygiène de vie, c'est-à-dire une alimentation variée et de
l'activité physique. Le sommeil a un lien très fort sur la mémorisation,
la diminution du sommeil chez les personnes âgées entrainant un effet
négatif sur la mémoire. Il faut éviter tous les abus, corps gras,
tabac,
alcool.
Le couplage marche/activités sociales et
intellectuelles a un effet bénéfique sur la mémoire. Cela comprend une
planification de sorties, voyages, rencontres.
Il n'y a pas de
recette absolue, mais il a été démontré que surtout l'activité physique «
énergique » a un effet positif sur la mémoire.
Les premiers signes de perte de mémoire doivent-ils alerter sur la maladie d'Alzheimer ?
S'il y a une inquiétude, le mieux est de consulter. Mais il faut savoir raison garder.