Mythe d'oedipe
Freud a interprété le mythe d'Oedipe, car il avait constaté que, dans une phase du développement psychique, les petits garçons sont amoureux de leur maman et les petites filles de leur papa et qu'ils développent, en contrepartie, des sentiments d'agressivité envers l'autre parent. Cette idée, de plus en plus banalisée et souvent ridiculisée, me semble pourtant vérifiable, même si, bien souvent, la violence de ces sentiments reste inconsciente. Or, l'inconscient justement, c'est ce que l'on ne connaît pas de nous-mêmes ! Vers 3 ou 4 ans, les enfants expriment en toute innocence qu'ils épouseront leur père ou leur mère quand ils seront grands. À ce moment-là, quelque chose affleure à la
conscience : pour épouser sa mère, il faut se débarrasser du père (ou vice versa) !
Comme tout ce qui touche à la psyché, le
complexe d'Oedipe est ambivalent : il est à la fois un moteur et un frein. « Quand je serai grande, je serai plus intelligente que ma maman et je réussirai mieux ma vie » est un bon moteur. À l'inverse, « ma maman est si belle que je n'arriverai jamais à sa hauteur » est un sentiment écrasant, qui pourrait inciter parfois à devenir la ou le plus « moche » possible.
Amour enfantin
Certains adultes ne sortent jamais de ce complexe et restent enfermés dans un amour enfantin pour leur mère ou leur père. Dans les familles recomposées, cela prend des formes encore plus complexes. La jalousie qui surgit en voyant un père ou une mère en train de construire un autre couple peut devenir insupportable pour un fils ou une fille. Surtout quand l'autre parent reste seul. « Papa est très malheureux avec sa nouvelle femme », me raconte Alice, qui me décrit sa belle-mère en véritable Cruella. Ce n'est pas plus simple pour Kévin, qui idéalise son beau-père et l'adore, avec l'horrible sentiment de trahir et d'abandonner son propre père. « Mes parents vivent ensemble depuis trente ans, me dit Élodie, un couple idéal, je n'arriverai jamais à aimer quelqu'un comme ça. » « Mes parents s'engueulent depuis vingt ans, je ne comprends pas pourquoi ils restent ensemble, me dit Nicolas, nous souffrons depuis des années de leurs engueulades, je n'arriverai jamais à construire un couple ! »
Se centrer sur soi-même
Aucune situation n'est idéale. Comment faire alors ? Changer d'axe, vous centrer sur vous-même, votre couple, vos histoires d'amour. Le couple ou les couples de vos parents ne vous concernent pas. Le fonctionnement d'un couple est toujours un mystère, vous ne savez pas ce qui les rend heureux ou malheureux. J'ai vu des enfants porter le
poids d'une mère qui, toute sa vie, a dit qu'elle quitterait son mari quand les enfants seraient grands et qui, à leur grande surprise, est restée après leur départ. Vous n'imaginez pas le temps passé, dans les cabinets de psys, à démêler le « tien du mien » : ce qui vous appartient et vous concerne, et ce qui ne vous concerne pas. Gardez en tête que vous ne savez pas ce qui est bon pour vos parents (pour les autres non plus, d'ailleurs), car ils ne vous ressemblent pas.
Pour grandir, il faudrait traverser le complexe d'Oedipe, vivre avec un amoureux ou une amoureuse qui ne ressemblerait ni à votre père ni à votre mère, mais n'en serait pas non plus le complet opposé. Ce n'est pas simple. Il y a de multiples étapes à franchir.